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9 Milliards de dinars à l'OPGI de Annaba

14/05/2007 - Lu 111203 fois
Effets de serre et blocages planifiés

Dans les prochains mois, affirme Amar Khalfaoui, directeur général de l’OPGI de Annaba, 2766 logements sociaux locatifs (LSL), 519 autres sociaux participatifs (LSP) et 1070 ruraux devraient être achevés, réceptionnés et attribués. Pourtant, plusieurs opérateurs dans le secteur du bâtiment ne partage pas cet avis.

Une importante partie des 9 milliards de dinars destinée à la réalisation du programme quinquennal (2205/2009) de logements est toujours dans les caisses de l’Office de promotion et de gestion immobilière (OPGI) de Annaba. Elle ne semble pas trouver preneur chez les entreprises du bâtiment. La majorité, voire la totalité, des appels d’offres est déclarée infructueuse. Les rares entreprises soumissionnaires retenues ont rapidement déchanté. La caution de bonne exécution, l’équivalent de 5% du montant global du marché s’avère être un obstacle infranchissable. Après avoir lancé les travaux et réalisés les planchers de blocs, d’autres se sont retrouvées confrontées à la majoration des matériaux de construction, dont le ciment, le sable, le rond à béton. Une majoration variant de 300 à 500% du prix réel. Des entreprises ont tenté l’aventure du sable de carrière. «Non-conforme car avec un taux d’impureté de 65%», leur ont répondu les services de contrôle. Le calcul figé pour la réalisation des superstructures est également qualifié de préjudiciables au regard des erreurs commises par les bureaux d’étude. Plusieurs entreprises se sont retrouvées avec des pertes sèches s’élevant à plusieurs centaines de milliers de dinars. La crise du bâtiment est latente. Elle n’est pas la conséquence d’une quelconque mauvaise volonté des autorités locales ou des responsables de l’office. C’est à d’autres niveaux que se situent les blocages. Ceux-ci semblent avoir été planifiés.

Selon les cadres de l’OPGI et les entrepreneurs en bâtiment, ces blocages ont pour objectif de ne pas permettre la concrétisation du programme présidentiel du million de logements à réaliser à l’horizon 2009. Ils se situeraient au niveau des unités de production de ciment et dans l’attentisme prémédité de certains responsables au niveau local à permettre l’exploitation des carrières de sable. «Qui du commun des mortels jusqu’aux membres du gouvernement ignore ce qui se passe devant le portail d’entrée de l’entreprise de production du ciment. N’importe quel planton, agent de sécurité ou commercial impose sa loi. A l’unité de Hadjar Soud, les entrepreneurs chargés des projets de l’Etat attendent plusieurs jours avant de disposer d’un quota décidé par le petit cadre commercial. Les spéculateurs sont servis en toute priorité», a affirmé un gérant d’entreprise du bâtiment. L’on a même reproché à la presse de ne pas faire son travail pour informer les plus hautes autorités sur la situation très aléatoire du secteur du bâtiment dans l’ensemble des régions du pays. «Comment se fait-il que l’on importe des fruits et légumes exotiques, l’électroménagers et tout et tout... alors que l’importation du ciment semble être tacitement interdite. Ceux qui tirent les ficelles sont ceux-là même qui veulent voir les demandeurs excédés d’attendre un logement, créer un autre 5 octobre. Si cela continue, cela ne va pas tarder » considère un autre entrepreneur.

Et si au niveau des autorités locales, l’on multiplie les visites des projets en chantier et les mises en demeure d’achèvement des travaux, dans le milieu des entreprises de réalisation l’on est dans l’expectative. L’indisponibilité chronique du ciment dans les unités étatiques de production a stimulé l’appétit des spéculateurs. Sur le marché de l’informel, les matériaux de construction sont disponibles mais à des prix exorbitants auprès des spéculateurs. Et si le sac de ciment coûte entre 380 à 400 DA et le camion de 10 tonnes de sable de dune à 15 000 DA, celui du rond à béton est à 5700 DA le quintal. En 2002, il était à 1600 DA. Certes, la vision de quelques chantiers en activité donne l’impression que tout va pour le mieux. Les dirigeants de l’OPGI de Annaba ne l’entendent pas de cette oreille eux dont les appels d’offres sont constamment frappés de la mention «infructueux». A ce niveau, l’heure n’est pas encore à l’alerte générale, mais les appréhensions sont de mise. «Nous avons la certitude que, comme cela se fait chaque année, une panne de plusieurs mois arrêtera les unités de production du ciment. Juillet et août forment la période que privilégient les saboteurs pour déclencher la panne en toute impunité. Ces deux mois sont ceux où normalement les activités du bâtiment sont au top niveau», avoue Abdelhamid K. entrepreneur. Les appréhensions portent sur le retard dans la réalisation des 4355 logements tous types confondus à Annaba. Dans les prochains mois, affirme Khalfaoui Amar, directeur général de l’OPGI, 2766 logements sociaux locatifs (LSL), 519 autres sociaux participatifs (LSP) et 1070 ruraux devraient être achevés, réceptionnés  et attribués. Plusieurs opérateurs dans le secteur du bâtiment ne partage pas son avis. C’est le cas de Mazouz K., dont le chantier de 200 logements à Boukhadra est à l’arrêt. «Si l’Etat ne bouge pas pour mettre un terme à l’anarchie qui sévit dans la filière des matériaux de construction, j’appliquerai la démarche de mes autres confrères. Je mets tout le monde au chômage, je dissous l’entreprise pour changer d’activité. Cela ne peut pas continuer. Mais pourquoi donc tous ces blocages au moment même où les OPGI nous facilitent au maximum le travail. Pourquoi ces pénuries et majorations des prix sur les matériaux de construction», s’est interrogé notre interlocuteur.

Si la crise de trésorerie ne se pose pas et que les situations sont réglées à terme échu par l’OPGI, cela n’empêche pas le secteur du bâtiment de risquer de devenir une coquille vide. Et ce, même si les budgets sont constamment approvisionnés et que de nouveaux projets sont élaborés et inscrits pour être réalisés. Il faut dire que, dans le domaine des réalisations de logement, Annaba avait espéré servir d’exemple au reste des régions du pays. Son OPGI est en effet à la pointe du combat pour répondre aux demandeurs de logement. C’est dans ce cadre qu’il a multiplié les contacts avec les entreprises pour tenter de bien maîtriser la réalisation des projets. Les 5986 logements sociaux locatifs (LSL) y figurent. Sur ce nombre, est annoncée la livraison de 502 unités à la date du 31 décembre 2006.

Dans ses actions, l’OPGI Annaba a inscrit le soutien et le conseil à apporter aux industriels du bâtiment et aux collectivités locales. «Le bâtiment est en péril. Malgré une excellente santé financière, l’on n’arrive pas à intéresser les entreprises de réalisation. Découragées par les pénuries de différents matériaux de construction, plusieurs d’entre elles ont été contraintes d’abandonner. Aujourd’hui, nous en sommes à caresser dans le sens du poil celles qui restent pour concrétiser nos projets», indique le directeur général de l’OPGI. Ce qui expliquerait les activités au ralenti d’une partie importante des 300 entreprises privées. Il y a celles qui se sont mises en veilleuse ou totalement à l’arrêt. D’autres, contraintes au respect de leur calendrier d’achèvement, sont confrontées à la spéculation effrénée appliquée sur les matériaux de construction. Pourtant les crédits de paiement sont nettement supérieurs aux autorisations de programme. Pour mieux aligner les crédits sur ces derniers, la wilaya de Annaba risque de se voir amputer des projets par le ministre de l’Habitat. Ce dernier est contraint d’aligner les crédits sur le programme du 1 million de logements à réaliser à l’horizon 2009. D’où la nécessité pour la wilaya de sacrifier des pans entiers d’une politique locale du logement qui commençait à peine à se mettre en place. Condamnés, les programmes à mener avec les professionnels du bâtiment. Supprimée la réflexion sur les emplois à créer dans ce dernier secteur, alors que des statistiques officielles démontrent que le bâtiment consomme le plus de main-d’oeuvre.

Certains programmes, notamment ceux portant réalisation des logements sociaux participatifs, pourraient être abandonnés. Ainsi, au moment où la direction cherche à donner à son office de promotion et de gestion immobilière un rôle moteur, au ministère de l’Habitat, l’on ne fait rien pour débloquer la production locale du ciment ou accélérer le mouvement des importations de ce matériau. Cette situation intervient alors que l’OPGI à travers ses chiffres de réalisation, de réception et d’attribution démontre l’urgence d’une politique nouvelle pour limiter ce qui semble être «un effet de serre» au sein de la corporation des entreprises de réalisation du bâtiment.

A. Djabali [EL WATAN - 13-05-2007]

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