
Sorti de prison depuis 8 ans, il s’est marié depuis et a trois enfants. Mais il peine à trouver du travail, malgré son métier de maçon qualifié. Amar, habitant à El Bouni, enfile les petits boulots, et quand il obtient un contrat de travail auprès d’un promoteur, il ne s’emballe pas outre mesure : son statut d’ex taulard le suit partout, et la paie est à la mesure de la marginalisation. Loin du SMIG pourtant officiellement institué. Il touche 5.400 dinars par mois. Un autre ex détenu a été embauché de la même façon, et touche le même salaire, pour un travail de huit heures.
Au moment des embauches, les chefs d’entreprises ne gardent en général que ceux qui ont un casier judiciaire vierge. « Les gens ont peur de nous, alors que nous avons payé notre dette à la société, surtout quand ils apprennent que nous venons des quartiers qui étaient qualifiés de chauds comme Sidi Salem, Esarouel, Bidari, Boukhadra, etc… nous n’avons pratiquement aucune chance de travailler, et quand ça arrive, nous sommes les moins bien payés. Que va-t-on devenir avec ces salaires minables, et jusqu’à quand va durer cette marginalisation ? Ceux qui nous embauchent, des promoteurs privés, profitent de notre état pour nous payer le minimum, et exiger le maximum.
Nous sommes devenus des esclaves ». Interrogés sur cette situation, des responsables de l’exécutif de l’APC d’El Bouni ont déclaré ignorer ces faits « qui n’existent pas chez le service public, mais seulement chez le privé ». Des déclarations catégoriquement démenties par nos interlocuteurs. « Il nous arrive très rarement d’être embauchés par les communes, on reste sous contrat à durée déterminée, on vit dans la précarité la plus totale, pour un travail très pénible. Ceux qui ont la chance d’être « permanisés », ce ne sont jamais des ex détenus, sauf à de rares exceptions. Comme partout ailleurs, les passe-droits font la différence « Il y en a qui restent chez eux et qui perçoivent leur salaire chaque mois, au même titre que ceux qui triment du matin au soir. » Revenant sur leur situation sociale, ces anciens détenus sentent peser sur leurs épaules tout le poids du rejet par la société.
Ces anciens détenus regrettent tous leurs erreurs, tout en soulignant qu’ils ont payé « la facture » à la société, et s’interrogent « Qui va parler pour nous ? A qui doit- on s’adresser pour dire notre misère et celle de nos enfants qui se nourrissent souvent dans les poubelles ? » Amar ajoute : « Quand je présente mon casier judiciaire, je croise presque toujours le regard méfiant des patrons. Je leur dis tout de suite que je suis libre depuis huit ans, marié et père de famille, le refus est assuré, et toutes les excuses sont bonnes pour refuser mon embauche ».
Un véritable calvaire pour les concernés, obligés de faire profil bas face à une société qui ne leur accorde aucune chance. Ajoutons pour notre part, comme nous l’avons souligné dans un précédent article, que le dossier d’aide à la réinsertion socioprofessionnelle des anciens détenus se trouve toujours sur le bureau des différents procureurs généraux qui se succèdent à la tête de la cour d’Annaba, et ce nécessaire passage pour ceux qui ont décidé de tourner la page de leur passé, est toujours un vœu pieux. Pourtant il s’inscrit, entre autres actions, en droite ligne dans la lutte contre la récidive, préconisée par le ministère de la Justice.
lestrepublicain - 25 décembre 2014 - Farida H.
Les Commentaires