Marion Maréchal exclue de Reconquête : l’affranchie du clan Le Pen n’a jamais vraiment lâché le RN
Pour avoir tendu la main à Jordan Bardella et au Rassemblement national, Marion Maréchal a été exclue de Reconquête par Éric Zemmour, mercredi 12 juin. La nièce de Marine Le Pen et petite-fille de Jean-Marie Le Pen est-elle sur le point de retrouver le giron familial ? Itinéraire d’une femme politique d’extrême droite qui défend la théorie du « grand remplacement » et rêve d’une union des droites tout en cultivant son indépendance du clan Le Pen.
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Marion Maréchal, tête de liste Reconquête aux élections européennes 2024, a été élue eurodéputée dimanche 9 juin.
Marion Maréchal, tête de liste Reconquête aux élections européennes 2024, a été élue eurodéputée dimanche 9 juin. | STÉPHANE GEUFROI / OUEST-FRANCE
Ouest-France
Juliette MARIE.
Publié le 14/06/2024 à 06h30
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Marion Maréchal, autrefois Marion Maréchal-Le Pen, va-t-elle revenir dans le giron familial ? Élue eurodéputée, dimanche 9 juin 2024, sous les couleurs de Reconquête, la nièce de Marine Le Pen et petite-fille de Jean-Marie Le Pen a été exclue du parti trois jours plus tard par Éric Zemmour. Ce dernier n’a pas supporté qu’elle appelle à voter pour les candidats soutenus par le Rassemblement national lors des prochaines élections législatives.
« On s’aime avec Marine, c’est la famille »
Le 22 mai, sur le plateau de TPMP, celle qui était encore tête de liste Reconquête aux européennes est interrogée par Cyril Hanouna sur ses relations avec sa tante. « On s’aime avec Marine, c’est la famille », répond-elle. Mais elle rappelle que Marine Le Pen et elle ont des « divergences politiques », qui existaient déjà lorsqu’elle était au Front national. Des divergences qui l’ont poussée à quitter le parti fondé par son grand-père, Jean-Marie Le Pen.
Marion Maréchal a commencé à militer très tôt au Front national. Après deux échecs électoraux lors de municipales à Saint-Cloud et de régionales dans les Yvelines, elle est parachutée dans le sud de la France aux législatives de 2012. Elle remporte les élections et devient députée de la 3e circonscription du Vaucluse à seulement 22 ans. Elle est la plus jeune parlementaire de l’hémicycle et la première députée Front national depuis 1997.
Marion Maréchal est alors perçue comme l’héritière du clan Le Pen en France mais aussi à l’étranger. Aux États-Unis, le Time magazine voit en elle « l’étoile montante du FN ». Au Guardian , qui l’a suivie dans sa campagne, la jeune femme assure que « dans la famille, personne n’est jamais poussé. Je suis arrivé en politique spontanément, il n’y avait aucune obligation. Il faut que cela se fasse naturellement ». Le quotidien britannique ne l’entend pas vraiment de la même oreille et titre son article : « Le Pen encore : le nouveau visage de l’extrême droite française porte un nom familier ».
Marine Le Pen, alors tête de liste du Front national (FN) pour la région Nord-Pas-de-Calais pour les régionales des 14 et 21 mars 2010, et sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, deuxième sur la liste de la circonscription des Yvelines, participent au Conseil National du FN, le 13 février 2010 à Paris.
Marine Le Pen, alors tête de liste du Front national (FN) pour la région Nord-Pas-de-Calais pour les régionales des 14 et 21 mars 2010, et sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, deuxième sur la liste de la circonscription des Yvelines, participent au Conseil National du FN, le 13 février 2010 à Paris. | FRED DUFOUR/ARCHIVES AFP
Durant ce mandat de députée, Marion Maréchal commence à s’éloigner de la vision politique de sa tante et de celui qui la conseille alors : Florian Philippot. Le nouveau conseiller de la nièce de Marine Le Pen semble y être pour beaucoup. Arnaud Stephan, de son nom d’emprunt, est partisan de la « nouvelle droite », « une mouvance ayant tenté de refonder la pensée de son camp et de « réunir les droites » sur un discours anti-égalitaire et ethno-différentialiste », écrit Libération en 2015.
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Alors que Marine Le Pen poursuit son projet de dédiabolisation du parti qu’elle a hérité de son père, sa nièce embrasse la thèse du « grand remplacement ». Prônée par l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus, condamné pour provocation à la haine, « cette théorie affirme que les Français dits « de souche » sont désormais remplacés par un autre peuple composé de gens d’origine extra-européenne et essentiellement musulmans », décryptait pour Ouest-France Jean-Yves Camus, directeur de l’observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean-Jaurès, en 2022.
« Le retrait de Marion est une désertion »
Lassée des tensions qui grandissent au sein du Front national, Marion Maréchal annonce en 2017 qu’elle ne se représente pas aux élections législatives. Mieux : elle se retire de la vie politique et donc du Front national. Elle ne claque pas la porte mais assure qu’il est « essentiel » pour elle de « consacrer plus de temps à sa fille ».
Soucieuse de ne pas laver son linge sale en public, Marine Le Pen se fend d’un tweet compréhensif : « Comme dirigeante politique je regrette profondément la décision de Marion mais hélas, comme maman, je la comprends. MLP ». Jean-Marie Le Pen sera moins mesuré. « Le retrait de Marion est une désertion », fustige-t-il auprès du Figaro .
« Je ne renonce pas définitivement au combat politique », écrit alors Marion Maréchal dans une lettre publiée par Le Dauphiné . Le détour par le monde de l’entreprise sera en effet de courte durée. Après avoir fondé et dirigé l’Institut des sciences sociales, économiques et politiques (ISSEP) à Lyon en 2018, année où le FN devient le RN (Rassemblement national), elle s’affiche dès 2019 auprès d’Éric Zemmour lors de la Convention de la droite. Dans son discours, elle évoque le « grand remplacement » comme « le premier, le plus vital » des défis politiques à relever. Éric Zemmour et elle partagent également la volonté de lutter contre « l’islamisation » de la société et prônent l’union des droites.
Main tendue au Rassemblement national
Marine Le Pen, qui n’a pas participé à cette réunion, égratigne sa nièce dès le lendemain sur France 3. Pour « rassembler les Français », la tante de Marion Maréchal estime qu’elle ne connaît qu’une seule « méthode », celle « d’aller sur le terrain, de se présenter aux élections ». Marine Le Pen confirme que sa nièce « a développé sa sensibilité au fil des années ».
Éric Zemmour et Marion Maréchal lors du meeting de Toulon, le 6 mars 2022.
Éric Zemmour et Marion Maréchal lors du meeting de Toulon, le 6 mars 2022. | CLEMENT MAHOUDEAU/ARCHIVES AFP
En pleine campagne pour l’élection présidentielle 2022, Marion Maréchal se rapproche encore un peu plus d’Éric Zemmour. « Marion n’a peut-être plus les capteurs nécessaires… Son éloignement avec le terrain politique lui fait penser que l’agitation médiatique correspond à la réalité politique. En ce qui me concerne, je ne le crois pas », tacle sa tante, le 23 septembre 2021, en marge d’un déplacement à Metz, en Moselle. Quelques mois plus tard, le 6 mars 2022, Marion Maréchal rallie officiellement Reconquête lors du meeting de Toulon.
Désormais exclue du parti pour avoir tendu la main à Jordan Bardella, Marion Maréchal pense-t-elle que l’union des droites, dont elle a rêvé auprès d’Éric Zemmour, a plus de chance d’advenir avec le Rassemblement national, désormais allié aux frondeurs Républicains ? Ou bien est-elle au fond une Le Pen qui aspire à revenir au sein du clan familial ?
Sur le plateau de TPMP, en mai, Cyril Hanouna lui a demandé qui elle sauverait d’Éric Zemmour ou de Marine Le Pen s’ils se trouvaient à bord d’un bateau en train de couler. Après quelques secondes d’hésitation, elle finit par choisir sa tante en se justifiant : « La famille d’abord. »
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