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Annaba. Pr Mohamed Boudef «L'automutilation, une mythologie locale»

Publié le 24/05/2011

Fondateur, en 1999, du premier centre de prévention de suicide en France, vice-président du Groupement d’études et de prévention du suicide (GEPS) de Paris, fondateur du Centre intermédiaire de soins pour toxicomanes (CIST) de Annaba, le Pr Boudef tente, à travers cet entretien, d’expliquer l’acte de l’automutilation qui concerne particulièrement la wilaya de Annaba. Désigné expert judiciaire dans l’affaire des assassinats de Ali Tounsi et de l’ancien président Mohamed Boudiaf, ce psychiatre de renommée explique que le mal-être exacerbé est à l’origine de cet acte extrême, qu’il met en lien avec ce qu’il appelle la «mythologie locale».

- Pourquoi les jeunes s’automutilent-ils ?

Assez souvent, les individus qui s’automutilent ont des difficultés à reconnaître, à gérer et à exprimer certains sentiments autrement que par des blessures corporelles. Prendre conscience de son mal-être et l’exprimer de façon non destructrice, par exemple, à l’écrit ou par le dialogue n’est pas évident chez nous et ne rapporte pas. L’arme automutilatrice est considérée classiquement comme un équivalent suicidaire. Cependant, d’autres significations sont autant possibles que compréhensives en fonction de la culture environnante et surtout de la culture mythique d’un peuple ou d’une région.

- L’automutilation est-elle un moyen de communication ?

Oui. Depuis des semaines, voire des mois, l’automutilation a supplanté le dialogue et le calme dans le but de faire aboutir des revendications ayant trait essentiellement au logement et à l’emploi, et parfois pour sauvegarder des privilèges illégaux. C’est un phénomène général à connotation régionale, surtout à Annaba.

- Serait-ce donc une spécificité locale ?

La prédominance d’un phénomène dans une région peut s’expliquer partiellement par la valeur mythique et symbolique de l’arme blanche dans le vécu collectif.
Certains quartiers de la ville de Annaba par exemple ont eu une certaine renommée grâce à l’usage de l’arme blanche qui aurait ses «héros» les plus admirés. Tout ce conditionnement a opéré dans certaines populations depuis des décennies pour faire de l’arme blanche un outil et un équipement noble malheureusement utilisé pour agresser ou plus simplement s’automutiler. Ainsi, le réflexe de faire appel à cette pratique est un conditionnement déjà ancré dans l’inconscient collectif, socialement valorisé contre l’immolation qui reste une pratique rejetée et marginalisée. Ceci est une ambiance générale habituelle ancrée dans les us et les coutumes de la région et qui peut donc servir de piste pour comprendre le phénomène.

- D’où puise-t-on l’usage des armes blanches ?

Ces dernières années, il est apparu un phénomène digne des croisades et des temps de conquêtes islamiques. C’est l’usage de l’épée qui traduit une reviviscence des temps islamiques héroïques ; surtout que le sabre était consacré par les hordes terroristes, jadis brandi par les émirs comme le symbole de l’Islam conquérant. Au début, c’étaient des rumeurs : des épées dans les maquis. Quelques mois après, les plus valeureux ont vu leurs bandes doter d’épées. En somme, les armes blanches – couteau et épée – dans les maquis sont devenues  le dialogue calqué sur les schémas terroristes. Ainsi, demander un emploi ou un logement passe de façon plus spectaculaire en brandissant l’arme blanche

Mohamed Fawzi Gaïdi [EL WATAN - 24-05-2011]
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