Conquête spatiale: comment Xi Jiping veut réaliser le "rêve d'espace" de Mao

En Chine, la conquête de l'espace a été lancée par Mao Tsé-toung en 1957. Aujourd'hui, avec Xi Jiping, Pékin compte créer des bases sur la Lune, sur Mars et vise Jupiter. Histoire d'une longue marche interplanétaire.

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La conquête spatiale n'a jamais tant fait rêver, peut-être à cause de la crise sanitaire et du confinement qui donnent des envies d'évasion. Mais pour les Etats, c'est une course qui a démarré dès les années 50 et pas seulement entre Russes et Américains. Depuis plus d'un demi-siècle, les Chinois, qui ont lancé jeudi le premier des trois éléments d'une station spatiale pour accueillir des taïkonautes en 2022, sont aussi de la partie.

Cette mission a été annoncée par Xi Jinping comme son "rêve d'espace". Elle est d'autant plus nécessaire que la Chine ne peut envoyer d'astronautes dans la Station spatiale internationale (ISS) après avoir été écartée de ce projet mené par les Américains, les Russes, les Européens, les Japonais et les Canadiens. Depuis, elle cherche à construire la sienne.

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Ce "rêve d'espace" n'a pas démarré avec l'actuel président chinois. C'est Mao Tsé-toung lui-même qui a donné le top départ. En 1957, alors que l'URSS met en orbite son Spoutnik, Mao lance un appel à ses citoyens: "Nous aussi nous fabriquerons des satellites!".

La Lune, Mars et bientôt Jupiter

Seulement 17 ans plus tard, en 1970, Pékin lance son premier satellite avec la fusée "Longue Marche", en référence à celle de l'Armée rouge. En 2003, la Chine devient le 3e pays, après l'URSS et les Etats-Unis à envoyer un humain dans l'espace. L'astronaute Yang Liwei réalise cette année-là 14 fois le tour de la Terre en 21 heures. Depuis, la mission spatiale de Pékin n'a pas ralenti.

En 2011, la Chine met en orbite Tiangong-1 ("Palais céleste 1"), un module spatial utilisé pour l'entraînement des taïkonautes et pour des expériences médicales jusqu'en 2016. Tiangong-2 a alors pris le relais.

En 2013, une femme, Wang Yaping, donne un cours de physique depuis le module retransmis en direct à la télévision pour des millions d'écoliers. La même année, le drapeau chinois flotte sur la Lune. Un robot baptisé "Lapin de Jade" atterri sur la Lune pour prendre des photos pour une mission de 31 mois. Une seconde version a été envoyée en 2016 sur la face cachée de la Lune.




En 2020, le module de retour de la sonde spatiale chinoise Chang'e 5 a rapporté sur Terre environ deux kilos de roches prélevées sur la Lune. Le but est d'analyser le sol pour construire en coopération avec la Russie une base pour aller sur Mars. La construction de "Palais céleste", c'est son nom, devrait débuter en 2026 pour devenir opérationnelle en 2035. Les taïkonautes chinois s'entraînent déjà sur une base jumelle reconstituée sur Terre.

Les craintes américaines d'une "guerre des étoiles"

En 2021, l'Agence spatiale chinoise (CNSA) lance Tianwen-1, qui a été mise en orbite après un voyage de sept mois autour de Mars. Le module doit cartographier la planète pour déterminer la zone la plus apte à permettre à un rover d'atterrir afin de réaliser des cartes encore plus détaillées afin de déterminer l'endroit le plus propice à l'installation d'une base. Une exploration de Jupiter est déjà à l'étude.




Quel budget la Chine consacre-t-elle à sa conquête spatiale? Elle ne l'a jamais dit, mais au vu de la rapidité à laquelle elle est parvenue seule à atteindre ses objectifs, ils sont logiquement colossaux. Le budget annuel de la Nasa s'élève à environ 20 milliards de dollars.

Si les objectifs de la Chine sont, comme tous les autres pays, la recherche scientifique et technologique avec des visées commerciales, les Américains la suspectent d'avoir des ambitions militaires et de mener une course géopolitique. La conquête spatiale chinoise est d'ailleurs sous le contrôle de l'armée comme le note un rapport remis au congrès en 2020.

"Les investissements dans la recherche et le développement (R&D) liés à l'espace stimulent les capacités militaires et comblent les lacunes en matière de renseignement, de reconnaissance et de surveillance", indique le rapport en précisant qu'ils pourraient viser à mener des "opérations hors zone de l’Armée populaire de libération".

Les auteurs du rapport demandent au Congrès de "promulguer de nouvelles lois ou améliorer les lois existantes pour interdire aux laboratoires nationaux, universités, entreprises, gestionnaires de fonds et aux investisseurs privés de soutenir le programme spatial de la Chine "de nature intrinsèquement militaire". Un signe qui confirme que la guerre des étoiles n'est plus une fiction depuis déjà longtemps.




Pascal Samama