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Le thé et le café : De la légende à l’histoire

Publié le 08/04/2022
Le thé et le café : De la légende à l’histoire Par Rachid Lourdjane Hommage au poète El Madani Torkmani qui nous a légué un chef-d’œuvre de littérature populaire par sa fameuse pièce «El Qahwa we latay». Les siècles passent et le poème est là avec toute sa fraicheur, dans un verbe d’une rare finesse. Chanté par de nombreux compositeurs du chaâbi de grande renommée, il nous envoute avec la voix d’El Hadj Mrizek ou Chaou, dans un duo réussi avec Nadia Benyoucef. El Hachemi Guerouabi et Ammar Ezzahi l’ont exécuté en soirée privée. Un succès toujours en vogue. La pièce, aux allures théâtrales, met en scène un duel verbal chez le couple thé-café (en arabe, le café se décline au féminin). L’affrontement pour le monopole des soirées conviviales a lieu devant un juge froid et intransigeant, personnifié par deux moments forts de la journée ; lever et coucher du soleil. Le poète Torkmani ignorait, sans doute, que son œuvre préfigurait les enjeux des visées impérialistes des deux célèbres drogues sur le partage du monde. Le Qadi écoute les protagonistes, tous deux en rivalité pour accompagner les longues soirées conviviales. Les arguments sont puisés dans la riche littérature de l’érudition citadine. Le thé, né en Chine, soutient qu’il est d’essence noble. Il appui son réquisitoire sur la majesté du rituel qui l’entoure. De fait, il est servi dans la plus flamboyante vaisselle dorée, agrémentée par le majestueux Samovar, une mécanique compliquée pour chauffer l’eau à la braise. D’où le son nom «El Babour». Ce chinois impérial détruit tout l’argumentaire du café qu’il traite, outrageusement, en termes racistes. Et pourtant ! Cette graine sobre et brunâtre aux odeurs si attractives, originaire de la péninsule arabique, est si proche de nos coutumes. Madame de Pompadour subjuguée Le café sera popularisé en Occident par Madame de Pompadour qui recevait ses cargaisons par les soins de l’ambassade de France à la Sublime Porte. Du mot turc Kawé, il devient «café». Au Yémen, son pays d’origine, il s’appelle «El boun». Cette graine magique a fait la fortune du port yéménite de Moka. C’est un mot qui désigne également la couleur brune. Parfois on ajoute sa qualité odorante. Dans ce cas, on dit «El boun el aâtirou» ou le café parfumé. Ce qui a donné naissance à un nom de famille «Bonatéro»... Et ce n’est pas de l’italien. Le thé est traité par son rival de vulgaire herbage, «amer et impossible à avaler sans le secours du sucre», et destiné aux bergers. Mais il a pu, finalement, convaincre le magistrat de sa supériorité de goût et même d’élégance. Ensuite, dit-il avec fierté, «mon histoire est liée à celle des plus illustres personnages de l’histoire qui m’ont apprécié pour mes vertus». C’est alors que le jugement tombe. Le café, perdant le procès, reste de glace. Il n’envisage pas de faire appel. Il aurait dû. Car, dans le monde, deux milliards de tasses de café sont servies chaque jour. Mais le thé, quant à lui, inonde l’Asie et le Moyen-Orient, les Balkans, la Turquie, la Fédération de Russie et de nombreux pays du Commonwealth, jusqu’au palais de la Reine d’Angleterre. Accessoirement, les pays du Maghreb avec un pic de consommation au mois de Ramadhan. En revanche, c’est la boisson préférée des TFouaregs et Rguibet du Sahara Occidental où sa majesté le thé s’impose comme un élément de rituel ne laissant nulle place au café. Al Baycine de Grenade En Chine, le thé tiède parfumé au jasmin accompagne tous les repas à la place de l’eau. Il est considéré comme bon pour la digestion. Dans ce pays, on récence fièrement, pas moins de deux mille variétés de thé. L’un des plus chers et des plus recherchés se vend sous une forme de galette compactée. En Indonésie, on vous propose une variété de café, nec le plus ultra, vendue à 150 dollars le kg. C’est sans doute à Grenade, dans la vieille cité andalouse d’El Baycin qu’on déguste le plus succulent thé du monde méditerranéen, assorti d’un secret mélange de cannelle, clous de girofle et, que sais-je encore, agrémenté d’un nuage de lait. Les «thétria» sont tenues par des espagnoles qui se disent musulmans dans le secret depuis la nuit des temps. Et même si ce n’est qu’une légende, ça vous laisse rêveur et vous accroche à cette cité qui a vécu les pires moments de son histoire après la prise de Grenade par les rois catholiques en 1492. La première trace écrite du thé remonte à deux cents ans avant Jésus-Christ, où le thé est cité dans un traité de pharmacologie. Selon la légende chinoise, l'histoire du thé débute il y a plus de 4.500 ans. Des feuilles d’un arbre sauvage seraient tombées sur le bol d’eau fumant de l’empereur. Pensant que ce breuvage lui serait fait pas son cuisinier, il apprécia la saveur et en redemandera régulièrement après ses repas. Par la Route de la Soie Le thé est introduit chez nous à la faveur de la Route de la Soie. Les caravanes partent de Xi’an, au centre du pays, traversent l’Himalaya et les cités légendaires de Tabriz, Téhéran, Abadan, Bagdad, Damas, Le Caire, Tunis jusqu’à Tlemcen. Mais son véritable encrage est dû à l’extension de l’Empire ottoman qui nous a fait connaitre le thé rouge, toujours à la mode en Turquie. En Algérie, il restera marginalisé et localisé dans des noyaux urbains, en raison, sans doute, de son coût. En ce qui nous concerne, nous restons attachés fidèlement à «notre» thé vert «72», agrémenté de feuilles de menthe et surchargé de sucre, contrairement à l’ensemble des consommateurs du monde où il est bu sans sucre. Cette variété désignée du chiffre 72 est relativement récente. En effet, vers 1700, un commerçant israélite débarque au port de Tanger avec une cargaison achetée à bon prix à la Société des Indes qu’il refile au palais du roi du Maroc. Apparemment doué en marketing, le marchand arrive à convaincre que ce breuvage magique est chargé de hautes qualités pour le maintien de la santé et aide à la digestion, tant il est vrai que dans un palais royal, les repas ne sont pas modestes. Mais l’argument aphrodisiaque a pesé de tout son poids. L’usage de cette boisson gérée par un corps spécial «Mowaline ettay» restera confiné à la cour royale jusqu’à l’arrivée au Maroc du corps expéditionnaire français, conduit par le maréchal Lyautey, suivis de la cohorte de marchands qui ont «démocratisé» le thé miracle. C’est ainsi qu’il fera «tache verte» dans tout le Maghreb. R. L.
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