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Abdelkader ibn Muhieddine

Publié le 19/09/2022
Abdelkader ibn Muhieddine Article Discussion Lire Voir le texte source Voir l’historique Cette page fait l’objet d’une mesure de semi-protection étendue. Page d’aide sur l’homonymie Pour les articles homonymes, voir Émir Abdelkader (homonymie). Abdelkader El-Djezairi عـبـد الـقـادر الـجـزائـري Abdelkader ibn Muhieddine Portrait de l'émir Abdelkader par Jean-Baptiste-Ange Tissier, en 1852. Nom de naissance Abdelkader ibn Muhieddine عبد القادر بن محي الدين Naissance 6 septembre 1808 El Guettana, Régence d'Alger (Empire ottoman) Décès 26 mai 1883 (à 74 ans) Damas, Vilayet de Syrie (Empire ottoman) Grade Émir Années de service 1832 – 1847 Conflits Conquête de l'Algérie par la France Faits d'armes Bataille de la Macta Bataille du Sig Bataille de Sidi-Brahim Bataille du Oued Aslaf Bataille d'Agueddin Bataille de la Sikkak Bataille de Mascara Bataille de l'Habrah Distinctions Grand-croix de la Légion d'honneur Ordre de Pie IX 1re classe de l'ordre du Médjidié Ordre du Sauveur (grand-croix) modifier Consultez la documentation du modèle Abdelkader ibn Muhieddine (en arabe : عبد القادر بن محي الدين (ʿAbd al-Qādir ibn Muḥyiddīn), aussi connu comme l'émir Abdelkader, ou Abdelkader El Djezairi (Abdelkader l'Algérien), né le 6 septembre 1808 à El Guettana, dans la régence d'Alger, et mort le 26 mai 1883 à Damas, alors dans l'Empire ottoman et dans l'actuelle Syrie, est un émir, chef religieux et militaire algérien, qui mène une lutte contre la conquête de l'Algérie par la France au milieu du xixe siècle. Savant musulman et soufi, il se retrouve de façon inattendue à mener une campagne militaire. Il constitue un groupement de populations de l'ouest algérien qui, pendant de nombreuses années, résistent avec succès contre l'une des armées les plus avancées d'Europe. Son respect constant pour ce qu'on appelle désormais les droits de l'homme, surtout en ce qui concerne ses opposants chrétiens, suscite une admiration généralisée ; son intervention cruciale pour sauver la communauté chrétienne de Damas d'un massacre en 1860 lui amène des honneurs et des récompenses du monde entier. En Algérie, ses efforts pour unifier le pays contre les envahisseurs extérieurs le voient salué et qualifié de « Jugurtha moderne »1 et sa capacité à combiner autorité religieuse et politique, le conduit à être acclamé comme « prince parmi les saints, et saint parmi les princes »2. Nom Le nom Abdelkader est parfois translittéré « 'Abd al-Qadir », « Abd al-Kader », « Abdul Kader » ou d'autres variantes. Il est souvent désigné simplement comme l'émir Abdelkader (puisque El Djazaïri veut dire « l'Algérien »). « Ibn Mahieddine » signifie « fils de Mahieddine » (prénom de son père) et « El-Hasani » invoque sa descendance d'al-Hassan ibn Ali, le petit-fils de Mahomet. On lui donne souvent, aussi le titre d'émir, signifiant « prince ». C'est durant son exil syrien que lui fut attribué le patronyme Djazaïri et qui a été transmis à ses descendants notamment Driss Djazaïri, un de ses arrière-petits-fils qui fut ambassadeur d'Algérie aux États-Unis d'Amérique3. Biographie Origines familiales Abdelkader naît près de la ville de Mascara en 18084, d'une famille de l'aristocratie religieuse, maraboutique et chérifienne (descendante du prophète par sa fille Fatima)5. Le statut de chérif, est contesté par l'historien marocain Abdallah Laroui, pour qui il est simplement membre d'une famille maraboutique5. Cette ascendance semble cependant bien authentique et attestée par des document écrits consultés par Léon Roches6 . Selon les sources familiales, il tient cette dignité de ses origines de la Seguia el-Hamra, région d'où proviennent l'essentiel des familles de shurafa. Cette parentée fait de lui un descendants des Idrissides. Les annales de sa famille ont également gardé le souvenir d'un ancêtre Abd el Kaoui, qui règna sur Tiaret et Tagdempt. Ce dernier viendrait de Hadj Nasser dans le Djebel El Olan dans la région du Rif5. Abdelkader n'est pas qu'un chérif, mais également un marabout de la confrérie de la Qaddiriya. Son prenom, redondant dans son arbre généalogique est un hommage à Abdelkader el Jilani, fondateur de la confrérie au xie siècle à Bagdad. Le prestige d'Abdelkader repose sur une filiation revendiquée au fondateur de cette confrérie et donc à la foi au fondateur d'une confrérie et à sa lignée de chérif. Une généalogie alternative possédée par sa famille le fait descendre directement de Abdelkader el Jilani6. La tribu Hachem à laquelle appartient la famille de l'émir est d'origine berbère, Zénète, laisserait planer un doute sur l'authenticité chérifienne de l'émir. Cette apparente contradiction peut être expliquée par le fait que des familles chérifiennes se sont implantées de tout temps parmi les Sanhadjas et les Zénètes pour enseigner l'islam ou tout simplement comme résidents, ce qui semble être le cas de la famille de l'émir5,Note 1. Son père, Mahieddine al-Hasani, est un mouqaddam dans une institution religieuse affiliée à la confrérie soufie Qadiriyya7. Ses connaissances en matière religieuse et sa droiture en font un intermédiaire entre le pouvoir du bey et la population8. Sa mère, Lalla Zohra, est la fille de Sidi Omar Bendoukha, mokaddem d'une zaouia de Hammam Bou Hadjar. Elle savait lire et écrire et était savante en religion. Cette famille, réputée chérifienne, vit dans la plaine de Ghriss qui constitue, depuis le xviie siècle, un espace culturel et politique riche et actif, dépassant Tlemcen8, alors que le bey de l'Ouest s'est installé à Mascara, . Il grandit dans la zaouïa de son père qui, au début du xixe siècle, est le centre d'une communauté florissante sur les bords de la rivière de l'Oued el Hammam. Comme les autres étudiants, il reçoit une éducation traditionnelle en théologie, jurisprudence et grammaire ; il est dit qu'il savait lire et écrire à l'âge de cinq ans. Enfant doué, Abdelkader réussit à réciter le Coran par cœur à l'âge de 14 ans, recevant ainsi le titre de hafiz. Un an plus tard, il se rend à Oran pour poursuivre ses études7. Il rejoint l’école la plus prestigieuse du beylik, celle que tenait Ahmed ben Khodja el Mostaghanmi8. Il est un bon orateur et peut émerveiller ses pairs par des poésies ou des diatribes religieuses9. Abdelkader, gravure de 1843 A l'age de 15 ans, il revient à Guethna, pour se marier à sa cousine Kheira bent Boutaleb. Son père le prépare pour le grand voyage vers l'Est. Mais le bey, méfiant, leur interdit de quitter Oran. Abdelkader en profite, durant deux années, pour poursuivre ses études avec son cousin Mustapha ben Thami, fils du mufti de la ville. Ce dernier, avec l'appui de Badra, la femme du bey, et de certains fonctionnaires, réussit à infléchir la position du bey8. En 1825, il part avec son père faire le pèlerinage à La Mecque. Là-bas, il rencontre l'Imam Chamil ; les deux discutent longuement de différents sujets. Il se rend également à Damas et à Bagdad, visite les tombes de musulmans notables, tels que Ibn Arabi et Abdelkader al-Jilani, appelé El-Djilali en Algérie (il sera enterré à côté de sa tombe). Cette expérience structure son enthousiasme religieux. C'est dans cette ville qu’il répondit à une question sur sa généalogie : « Ne demandez jamais quelle est l’origine d’un homme ; interrogez plutôt sa vie, son courage, ses qualités et vous saurez qui il est. »8. Sur le chemin du retour, il est impressionné par les réformes menées par Méhémet Ali en Égypte. Il revient dans sa patrie en 18298. Invasion française et résistance Premiers succès (1830-1837) Au début du xixe siècle, l'Algérie est un pays divisé, vassal de L'Empire Ottoman. Le sultan turc y impose un Dey. De nombreuses rébellions sont réprimées dans le sang. De même, les relations avec la France sont conflictuelles et, en 1830, Alger est prise par les troupes françaises. La domination coloniale française sur la régence d'Alger supplante la domination des deys d'Alger. Lorsque l'armée française arrive à Oran en janvier 1831, le père d'Abdelkader est chargé de mener une campagne de harcèlement9. Mahieddine appelle au jihad, et son fils et lui participent aux premières attaques sous les murs de la ville7. Traité Desmichels conclu à Oran le 26 février 1834 entre la France et Abdelkader. C'est à ce moment qu'Abdelkader, 23 ans, apparaît au premier plan. Lors d'une réunion des tribus de l'ouest, le 22 novembre 1832, il est désigné par les tribus comme sultan et Âmir al-Muminin, ou « commandeur des croyants » (à la suite du refus de son père d'occuper ce poste, au motif qu'il est trop vieux)10. Cette réunion a lieu dans la plaine d'Eghris. Le titre est confirmé cinq jours plus tard à la grande mosquée de Mascara. Les tribus de l'Ouest répondent de manière contrastée à l'appel du djihad : le vide laissé par la prise d'Alger fait que certaines tribus makhzen et les Kouloughli, lui demandent de reconnaître l'autorité des Turcs du Constantinois, les Maures de Tlemcen privés du Mechouar où sont enfermés les Kouloughli, lui demandent de reconnaître l'autorité du sultan du Maroc alors que les tribus makhzen Douair et Smala, commandées par Moustapha Ben Ismaïl, lui demandent de reconnaître leur convention passée avec la France. Abdelkader accepte toutes les propositions pour se donner le temps de constituer son État mais réprime rapidement les velléités de scission : dès son entrée dans Tlemcen, il change le califat des Maures et fait attaquer la garnison kouloughli11. Ce faisant il se brouille avec Moustapha Ben Ismaïl qui fait appel au Maréchal Clauzel11. Le jeune chef se contente du titre d'émir dans ses correspondances avec le sultan du Maroc pour ne pas exciter la jalousie de ce prince duquel il espère un soutien12. Paradoxalement, c'est la guerre et la paix qui feront sa renommée, et ses titres d'âmir al-Muminin et de sultan seront confirmés par les traités qui en feront un souverain local incontesté sur un grande partie de l'Algérie, sans même devoir verser de tribut aux Français11. En un an, grâce à une combinaison de raids punitifs et de politique prudente, Abdelkader réussit à unir les tribus de la région, et à rétablir la sécurité - sa zone d'influence couvre désormais toute la province d'Oran7. Le général français Louis Alexis Desmichels, commandant en chef, voit en Abdelkader le représentant principal de la région pendant les négociations de paix et, en 1834, il signe le traité Desmichels qui cède presque complètement le contrôle de la province d'Oran à Abdelkader9. Pour les Français, c'est une manière d'établir la paix dans la région tout en confinant Abdelkader à l'ouest ; mais son statut de co-signataire contribue beaucoup à son prestige aux yeux des Berbères et des Français13. Utilisant ce traité comme une base de départ, il impose sa domination sur les tribus du Chelif, de Miliana et Médéa9. Le haut commandement français, mécontent de ce qu'il considère maintenant comme les termes défavorables du traité de Desmichels, rappelle le général Desmichels et le remplace par le Général Trézel, ce qui provoque une reprise des hostilités. Les guerriers tribaux d'Abdelkader rencontrent les forces françaises en juillet 1834 lors de la bataille de la Macta où les Français subissent une défaite inattendue7. La France réagit en intensifiant sa campagne de pacification et, sous de nouveaux commandants, les Français remportent plusieurs batailles importantes, dont la bataille de la Sikkak. En France, la Monarchie de Juillet a supplanté la monarchie légitime. Louis-Philippe Ier a succédé à son cousin Charles X, renversé lors des journées des Trois glorieuses. L'opinion politique Française éprouve des sentiments ambivalents envers l'Algérie et, lorsque le général français Thomas Robert Bugeaud déploie ses troupes dans la région en avril 1837, il est « autorisé à utiliser tous les moyens pour inciter Abd el-Kader à faire des ouvertures de paix. »14.Le traité de la Tafna est signé le 30 mai 1837. Ce traité, tout en assurant d'avantage la domination d'Abdelkader sur les parties intérieures de l'Algérie, confirme la souveraineté de la France sur l'Algérie. Tout en étant soumis à la France, Abdelkader prend ainsi le contrôle de tout Oran et étend son influence à la province voisine de Titteri, et au-delà9. Infanterie régulière d'Abdelkader Infanterie régulière d'Abdelkader Cavaliers rouges d'Abdelkader Cavaliers rouges d'Abdelkader Réguliers d'Abdelkader, 1852-58 Réguliers d'Abdelkader, 1852-58 Information Cliquez sur une vignette pour l’agrandir. Nouvel État Article connexe : État d'Abdelkader. Boudjou algérien La période de paix qui suit le traité de la Tafna profite aux deux parties et l'émir Abdelkader en profite pour consolider un nouvel État fonctionnel, avec pour capitale Tagdemt. Il minimise son pouvoir politique, refusant à plusieurs reprises le titre de sultan et s'efforçant de se concentrer sur son autorité spirituelle15. L'État qu'il crée est largement théocratique : la plupart des postes d'autorité sont occupés par des membres de l'aristocratie religieuse, le système juridique et administratif qu'il institue s'inspire fortement de la loi coranique16, jusqu'à l'unité principale de la monnaie qui est appelée le muhammadiyya (dit « boudjou d'Abdelkader »), d'après le prophète de l'islam17. Carte de l'État d'Abdelkader entre 1836 et 1839. Sa première action militaire est de se déplacer vers le sud dans le Sahara et at-Tijini. Ensuite, il se déplace vers l'Est jusqu'à la vallée du Chelif et du Titteri mais le bey de Constantine, Hadj Ahmed, lui oppose résistance. En d'autres cas, il fait massacrer les KouloughlisNote 2 de Zouatna pour avoir soutenu les Français18. À la fin de 1838, son règne s'étend à l'Est jusqu'à la Kabylie, au sud jusqu'à Biskra et à la frontière marocaine9. Il continue à se battre à Tijini et assiège sa capitale à Aïn Mahdi pendant six mois, finissant par la détruire. Un autre aspect d'Abdelkader qui l'aide à diriger son État naissant est sa capacité à trouver et à utiliser de bons talents, indépendamment de sa nationalité. Il emploie des Juifs et des chrétiens sur le chemin de la construction de sa nation. L'un d'eux est le diplomate Léon Roches9. Son approche à l'armée est d'avoir une troupe permanente de 2 000 hommes soutenue par des volontaires des tribus locales. Il place dans les villes de l'intérieur, des arsenaux, des entrepôts et des ateliers où il stocke des objets à vendre pour les achats d'armes venant d'Angleterre. Grâce à sa vie frugale (il vit dans une tente), il enseigne à son peuple la nécessité de l'austérité et à travers l'éducation, il leur enseigne des concepts tels que la nationalité et l'indépendance9. Fin de la nation Peinture de l'expédition des portes de fer, en Kabylie. La paix prend fin lorsque le duc d'Orléans, héritier du trône, ignorant les termes du traité de la Tafna, dirige une force expéditionnaire qui franchit les portes de fer. Le 15 octobre 1839, Abdelkader attaque les Français alors qu'ils colonisent les plaines de la Mitidja, et les met en déroute. En réponse, les Français lui déclarent officiellement la guerre le 18 novembre 183919. Les combats s'embourbent jusqu'à ce que le général Thomas Robert Bugeaud retourne en Algérie, cette fois en tant que gouverneur général, en février 1841. Abdelkader est initialement encouragé à entendre que Bugeaud, le promoteur du Traité de la Tafna, revienne ; mais cette fois, la tactique de Bugeaud est radicalement différente ; son approche est celle de l'annihilation, avec la conquête de l'Algérie comme finalité9 : Captivité du trompette Escoffier et de ses camarades Briant et Wolff chez Abdelkader en 1943[Quoi ?], estampe de 187020 Abdelkader pratique une guérilla efficace et, jusqu'en 1842, remporte de nombreuses batailles. Il signe souvent des trêves tactiques avec les Français. Sa base de pouvoir est dans la partie occidentale de l'Algérie, où il réussit à unir les tribus contre les Français. Il est reconnu pour sa chevalerie. Par exemple, il libère ses captifs français simplement parce qu'il n'a pas assez de vivres pour pouvoir les nourrir. Au cours de cette période, Abdelkader fait preuve de leadership politique et militaire et agit comme un administrateur compétent et un orateur persuasif. Sa foi fervente dans les doctrines de l'Islam est incontestée[réf. nécessaire]. Le maréchal Bugeaud n'a de cesse de poursuivre Abdelkader, dont il prend la capitale, Mascara, en 184121. Carte et timbre en l'honneur d'Abdelkader et Bugeaud, 1950 La résistance d'Abdelkader est réprimée par le maréchal Bugeaud, en raison de l'adaptation de Bugeaud à la tactique de guérilla. Si Abdelkader frappe vite et disparaît dans le terrain avec l'infanterie légère, les Français augmentent leur mobilité. Les armées françaises répriment brutalement la population indigène et pratiquent la politique de la terre brûlée. En 1841, ses fortifications presque détruites, Abdelkader est forcé d'errer à l'intérieur d'Oran. En 1842, il perd le contrôle de Tlemcen et ses lignes de communication avec le Maroc ne sont pas efficaces. Le duc d'Aumale (1840) Prise de la smalah d'Abd-el-Kader à Taguin, 16 mai 1843 Horace Vernet, 1844 Commande du roi Louis-Philippe La capitale ambulante de l'émir, sa " smalah ", est surprise le 16 mai 1843, à Taguin, par le duc d'Aumale, l'un des fils cadets du roi Louis-Philippe,21. Abdelkader réussit à passer la frontière au Maroc pour un sursis mais les Français battent les Marocains à la bataille d'Isly9. Il quitte le Maroc et peut continuer le combat contre les Français, en prenant Sidi Brahim, à la bataille de Sidi-Brahim en septembre 18459. En 1846, il opère sa jonction avec les Kabyles et n'est repoussé vers le Maroc qu'avec de grandes difficultés22. Capitulation Représentation artistique de la capitulation d'Abdelkader en 1847. Abdelkader est en fin de compte contraint de se rendre. Son échec à obtenir le soutien des tribus de l'Est, à l'exception des Berbères de l'ouest de la Kabylie et de la coalition formée par les Ouled Sidi Abid, contribue à l'étouffement de la rébellion, et un décret d'Abd al-Rahman du Maroc, après le traité de Tanger, bannit l'émir de tout son royaume17. Le 21 décembre 1847, Abdelkader se rend au général Louis de Lamoricière en échange de la promesse qu'il serait autorisé à aller à Alexandrie ou à Acre9. Il a commenté sa propre reddition avec les mots : « Et Dieu défait ce que ma main a fait » (bien que cela soit probablement apocryphe). Sa demande est acceptée et, deux jours plus tard, sa reddition est rendue officielle au gouverneur général français d'Algérie, Henri d'Orléans, duc d'Aumale, auquel Abdelkader remet symboliquement son cheval de bataille17. En fin de compte, cependant, le gouvernement français refuse d'honorer la promesse du général de Lamoricière : Abdelkader est envoyé en France et, au lieu d'être autorisé à être conduit en Orient, est gardé en captivité9,17. Emprisonnement et exil Tombe au château d'Amboise, de 27 membres de la suite d'Abdelkader morts durant son séjour en ce lieu, dont l'une de ses femmes, un de ses frères, et deux de ses enfants. Abdelkader, sa famille et ses fidèles furent détenus en France, d'abord au fort Lamalgue à Toulon, puis à Pau, et en novembre 1848, ils furent transférés au château d'Amboise9. L'humidité du château conduit à la détérioration de la santé ainsi que du moral de l'émir et de ses partisans. Sa vie devient une cause célèbre dans certains cercles littéraires. Plusieurs personnalités, dont Émile de Girardin et Victor Hugo, demandent plus de précisions sur la situation de l'émir. Le futur premier ministre, Émile Ollivier, mène une campagne d'opinion publique pour sensibiliser le public à son sort. Il y a aussi une pression internationale. Lord Londonderry (dit George Vane-Tempest, 5e marquis de Londonderry) rend visite à Abdelkader à Amboise, et écrit par la suite au président de l'époque, Louis Napoléon Bonaparte (qu'il a connu lors de l'exil de ce dernier en Angleterre) pour faire appel à la libération de l'émir17. Napoléon III rend la liberté à l'émir Abd el-Kader, tableau par Ange Tissier (1861). Louis-Napoléon Bonaparte (plus tard l'empereur Napoléon III) est un président relativement nouveau, arrivé au pouvoir à la suite de la révolution de 1848 alors qu'Abdelkader est déjà emprisonné. Il tient à rompre avec plusieurs politiques du régime précédent et la cause d'Abdelkader en fait partie17. Finalement, le 16 octobre 1852, Abdelkader est libéré par l'Empereur et reçoit une pension annuelle de 100 000 francs23, en prêtant serment de ne plus jamais fomenter de troubles en Algérie. Abdel Kader, gravure de 1850 Il s'installe alors à Bursa, aujourd'hui en Turquie, et déménage en 1855 dans le district d'Amara à Damas. Cette année-là, il écrit une Épître aux Français, dans laquelle il déclare : « Les habitants de la France sont devenus un modèle pour tous les hommes dans le domaine des sciences et du savoir24. ». Il se consacre de nouveau à la théologie et à la philosophie et compose un traité philosophique dont une traduction française est publiée en 1858 sous le titre de Rappel à l'intelligent. Avis à l'indifférent25. Il écrit un article sur le cheval barbe, traitant également de l'origine des Berbères26. Pendant son séjour à Damas, il se lie d'amitié avec Jane Digby, ainsi qu'avec Richard Francis Burton et Isabel Burton. La connaissance du soufisme et les connaissances linguistiques d'Abdelkader lui font gagner le respect et l'amitié de Burton. Sa femme Isabel le décrit comme suit : « Il s'habille uniquement en blanc … enveloppé dans l'habituel burnous enneigé … si vous le voyez à cheval sans le savoir être Abdelkader, vous le feriez sortir … il a le siège d'un gentleman et d'un soldat. Son esprit est aussi beau que son visage27. » Émeutes anti-chrétiennes de 1860 Article connexe : Massacre de Damas. Tableau représentant l'émir Abdelkader, protégeant les chrétiens à Damas en 1860, lors des massacres commis par les Druzes. En juillet 1860, le conflit entre les Druzes et les maronites du mont Liban s'étend à Damas, et les Druzes locaux attaquent le quartier chrétien, tuant plus de 3 000 personnes. Abdelkader prévient auparavant le consul de France ainsi que le consul de Damas que la violence est imminente ; quand le conflit a finalement éclaté, il abrite un grand nombre de chrétiens, y compris les chefs de plusieurs consulats étrangers ainsi que des groupes religieux tels que les sœurs de la Miséricorde, dans sa maison, en sécurité. Ses fils aînés sont envoyés dans les rues pour offrir à tous les chrétiens un abri contre la menace, sous sa protection, et il est dit par beaucoup de survivants, qu'Abdelkader lui-même a joué un rôle essentiel dans leur sauvetage. « Nous étions consternés, nous étions tous convaincus que notre dernière heure était arrivée […]. Dans cette attente de la mort, dans ces moments d'angoisse indescriptibles, le ciel nous a envoyé un sauveur! Abd el-Kader est apparu, entouré de ses Algériens, une quarantaine d'entre eux. Il était à cheval et sans armoiries : sa belle figure calme et imposante contrastait étrangement avec le bruit et le désordre qui régnaient partout. - Le Siècle, 2 août 186928 » Dernières années Les rapports publiés en Syrie, alors que les émeutes se sont calmées, soulignent le rôle prééminent d'Abdelkader, suivi d'une reconnaissance internationale considérable. Cadeau d'Abraham Lincoln à l'émir Abdelkader. Le gouvernement français augmente sa pension à 150 000 francs, et lui confère la grand- croix de la légion d'honneur29 ; il reçoit également de la Grèce, récemment libérée de la domination turque, la grande croix du Sauveur, l'ordre de la Médjidié 1re classe de Turquie, et l'ordre de Pie IX du Vatican19. Abraham Lincoln lui envoie une paire de revolvers incrustés (maintenant exposés dans le musée d'Alger) et la Grande-Bretagne, un fusil de chasse incrusté d'or. En France, l'épisode représente l'aboutissement d'un revirement remarquable, d'être considéré comme un ennemi de la France durant la première moitié du xixe siècle, et de devenir un « ami de la France » après être intervenu en faveur des chrétiens persécutés30,31,32,33,34,35,36. Portrait d'abd-el-Kader, entre 1863 et 1880 Le 18 juin 1864, il est initié à la franc-maçonnerie par la loge « Les pyramides d'Égypte » d'Alexandrie, par délégation de la Loge parisienne « Henri IV »37,38. En 1865, il visite Paris à l'invitation de Napoléon III, et est accueilli avec un respect tant officiel que populaire. Il est invité à l'inauguration du canal de Suez, le 17 novembre 1869, du fait de ses liens avec le vice-roi d'Égypte, Ismaïl Pacha, mais également avec Ferdinand de Lesseps dont il avait été, du côté oriental, l'un des plus actifs et pérennes appuis39,40. En 1871, lors de la révolte de Mokrani en Algérie, il renie un de ses fils qui a tenté de soulever les tribus autour de Constantine9. Abdelkader meurt à Damas le 26 mai 1883, et est enterré près du grand soufi Ibn Arabi, à Damas. Son corps est retrouvé en 1965, et repose aujourd'hui au cimetière d'El Alia, à Alger. Afin de cimenter la cohésion nationale, la famille avait donné son autorisation de transférer ses restes de Syrie vers l'Algérie à la condition que son arrière-petit-fils Abder Razak Abdelkader, détenu par le gouvernement algérien, soit libéré ; à cet effet, il est expulsé vers la France41. Le transfert des restes de l'émir fait l'objet d'un film, intitulé Poussières de Juillet, réalisé en 1967 par Kateb Yacine et M'hamed Issiakhem42, unique collaboration entre ces deux figures de la modernité artistique et littéraire algérienne. Ce transfert est controversé, car Abdelkader avait clairement voulu être enterré à Damas, avec son maître Ibn Arabi. Héritage et image La place de l'Émir-Abdelkader, à Alger. Dès le début de sa carrière, Abdelkader inspire de l'admiration, non seulement de l'intérieur de l'Algérie, mais aussi des Européens, même en combattant contre les forces françaises. La « généreuse pré-occupation, la tendre sympathie » qu'il montre à ses prisonniers de guerre est « presque sans parallèle dans les annales de la guerre »43, et il prend soin de respecter la religion privée des captifs. En 1843, le maréchal Soult déclare qu'Abdelkader est l'un des trois grands hommes vivants sur terre ; les deux autres, l'Imam Shamil et Méhémet Ali d'Égypte, sont aussi musulmans44. Il est actuellement respecté, comme l'un des plus grands de son peuple9. Abd el-Kader fait l’objet d’une véritable construction mythologique au cours du XIXe siècle, en particulier en France. Celle-ci s’observe dans les représentations des artistes au cours de ce siècle. Même si les significations attribuées à Abd el-Kader évoluent en fonction de l’époque, il est le seul chef indigène ainsi valorisé45. Iconographie et représentations À partir de 1843, les représentations et descriptions d'Abd el-Kader sont moins fantaisistes et insistent sur la noblesse du personnage. Les valeurs d’Abd el-Kader (distinction, sobriété, piété…) participent à la mise en place de ce portrait valorisant. Il s’inscrit aussi dans la tradition ancienne de reconnaître un caractère chevaleresque à l’adversaire oriental45. Ainsi, Abd el-Kader est déjà une « légende » lors de sa reddition en 1847. Les représentations de cet épisode louent donc conjointement la victoire de la France et la dignité du vaincu. A la fin de la Monarchie de Juillet, l’émir possède une grande renommée et une « extrême popularité »45. Cette popularité se conservera après la chute de la Monarchie. Lorsque le Prince Président le libère en 1852 lors de sa rencontre à St Cloud, il est « l’idole de Paris »45. C’est à ce contexte qu’appartiennent le tableau Napoléon, prince-président, recevant l'émir Abd-el-Kader au palais de Saint-Cloud de Gide46 et le relief L’empereur reçoit Abd el-Kader au palais de Saint Cloud de Carpeaux, inspiré de la Mort du Général Marceau par Lemaire47. Cette œuvre a pour but de montrer, qu’à la différence de la Monarchie qui emprisonne, Napoléon III libère. L’œuvre rappelle Les Pestiférés de Jaffa et l’attitude des personnages inscrivent cette scène dans la tradition du roi thaumaturge48. L’épisode de la protection des chrétiens de Damas renforce son image49,50 et Abd el-Kader est alors présenté comme un parallèle de Napoléon, deux empereurs vaincus. L’image de ce personnage acquiert aussi une dimension religieuse à cette époque. Si la renommée d’Abd el-Kader baisse à la fin du XIXe siècle, la IIIe République va reprendre ce symbole et l’inclure dans un discours colonial, faisant d’Abd el-Kader un « chantre du patriotisme français »45. Comparé à Jugurtha ou à Vercingétorix, Abd el-Kader est alors présenté comme l’ennemi héroïque vaincu mais justifiant et acceptant la conquête française50. Dans l’Algérie post-coloniale, Abdelkader va aussi connaître une réutilisation de son image. Alors qu'il est absent des premiers discours des Algériens luttant contre la colonisation (son lien avec la France l’ayant discrédité), il devient une figure nationale à partir de 1964 et sert à justifier l’abandon du système des tribus au bénéfice d’une unité centrale50. François Pouillon remarque que dans un ouvrage publié en 1974 par le ministère de l’Information et de la Culture, aucune photographie n’est reproduite. Cela permet de ne conserver que l’image du résistant en omettant la possibilité de connivence avec la France. Ainsi, les photographies le montre généralement portant sa Légion d’Honneur, ce qui ne correspond pas à la lecture nationaliste. De même, son appartenance au soufisme a été cachée51,52. Place Émir-Abd-El-Kader à Lyon (France) Portrait Portrait d'Abdelkader peint à Constantinople en 1866 par Stanisław Chlebowski. Huile sur toile, 1866. Musée Condé, Chantilly. Dès les années 1836-1837, des représentations d’Abd el-Kader apparaissent dans des éditions françaises. Celles-ci sont majoritairement fantaisistes, donnant un aspect rude au personnage. À partir de 1843, un souci d’exactitude dans la représentation apparaît45. Une médaille à l'effigie d'Abdelkader est gravée par Antoine Bovy en 1862. L'effigie du droit est inspirée du portrait peint par Ange Tissier en 1852. Le revers porte l'inscription suivante au pourtour : « Émir de l'Afrique du Nord. Défenseur de la nationalité Arabe. Protecteur des chrétiens opprimés * 1862 », et dans le champ : « Jugurtha moderne / Il a tenu en échec / L'une des plus puissantes nations / De la Terre / Pendant 14 ans son histoire / Est celle de nos revers et de nos succès / En Afrique / Il fait sa soumission le 23 décembre 1847 / Un décret magnanime de Napoléon III / Lui rend la liberté le 2 décembre 1852 / En 1860 il s'acquitte envers l'Empereur / En devenant la providence / Des chrétiens de Syrie / La France / Qu'il a combattue / L'aime et l'admire ».
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Abdelkader ibn Muhieddine

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Abdelkader El-Djezairi
عـبـد الـقـادر الـجـزائـري
Abdelkader ibn Muhieddine
Portrait de l'émir Abdelkader par Jean-Baptiste-Ange Tissier, en 1852.
Nom de naissance Abdelkader ibn Muhieddine
عبد القادر بن محي الدين
Naissance 6 septembre 1808
El Guettana, Régence d'Alger
(Empire ottoman)
Décès 26 mai 1883 (à 74 ans)
Damas, Vilayet de Syrie
(Empire ottoman)
Grade Émir
Années de service 1832 – 1847
Conflits Conquête de l'Algérie par la France
Faits d'armes Bataille de la Macta
Bataille du Sig
Bataille de Sidi-Brahim
Bataille du Oued Aslaf
Bataille d'Agueddin
Bataille de la Sikkak
Bataille de Mascara
Bataille de l'Habrah
Distinctions Grand-croix de la Légion d'honneur
Ordre de Pie IX
1re classe de l'ordre du Médjidié
Ordre du Sauveur (grand-croix)
modifier Consultez la documentation du modèle
Abdelkader ibn Muhieddine (en arabe : عبد القادر بن محي الدين (ʿAbd al-Qādir ibn Muḥyiddīn), aussi connu comme l'émir Abdelkader, ou Abdelkader El Djezairi (Abdelkader l'Algérien), né le 6 septembre 1808 à El Guettana, dans la régence d'Alger, et mort le 26 mai 1883 à Damas, alors dans l'Empire ottoman et dans l'actuelle Syrie, est un émir, chef religieux et militaire algérien, qui mène une lutte contre la conquête de l'Algérie par la France au milieu du xixe siècle.

Savant musulman et soufi, il se retrouve de façon inattendue à mener une campagne militaire. Il constitue un groupement de populations de l'ouest algérien qui, pendant de nombreuses années, résistent avec succès contre l'une des armées les plus avancées d'Europe. Son respect constant pour ce qu'on appelle désormais les droits de l'homme, surtout en ce qui concerne ses opposants chrétiens, suscite une admiration généralisée ; son intervention cruciale pour sauver la communauté chrétienne de Damas d'un massacre en 1860 lui amène des honneurs et des récompenses du monde entier. En Algérie, ses efforts pour unifier le pays contre les envahisseurs extérieurs le voient salué et qualifié de « Jugurtha moderne »1 et sa capacité à combiner autorité religieuse et politique, le conduit à être acclamé comme « prince parmi les saints, et saint parmi les princes »2.

Nom
Le nom Abdelkader est parfois translittéré « 'Abd al-Qadir », « Abd al-Kader », « Abdul Kader » ou d'autres variantes. Il est souvent désigné simplement comme l'émir Abdelkader (puisque El Djazaïri veut dire « l'Algérien »). « Ibn Mahieddine » signifie « fils de Mahieddine » (prénom de son père) et « El-Hasani » invoque sa descendance d'al-Hassan ibn Ali, le petit-fils de Mahomet. On lui donne souvent, aussi le titre d'émir, signifiant « prince ». C'est durant son exil syrien que lui fut attribué le patronyme Djazaïri et qui a été transmis à ses descendants notamment Driss Djazaïri, un de ses arrière-petits-fils qui fut ambassadeur d'Algérie aux États-Unis d'Amérique3.

Biographie
Origines familiales
Abdelkader naît près de la ville de Mascara en 18084, d'une famille de l'aristocratie religieuse, maraboutique et chérifienne (descendante du prophète par sa fille Fatima)5. Le statut de chérif, est contesté par l'historien marocain Abdallah Laroui, pour qui il est simplement membre d'une famille maraboutique5. Cette ascendance semble cependant bien authentique et attestée par des document écrits consultés par Léon Roches6 . Selon les sources familiales, il tient cette dignité de ses origines de la Seguia el-Hamra, région d'où proviennent l'essentiel des familles de shurafa. Cette parentée fait de lui un descendants des Idrissides. Les annales de sa famille ont également gardé le souvenir d'un ancêtre Abd el Kaoui, qui règna sur Tiaret et Tagdempt. Ce dernier viendrait de Hadj Nasser dans le Djebel El Olan dans la région du Rif5. Abdelkader n'est pas qu'un chérif, mais également un marabout de la confrérie de la Qaddiriya. Son prenom, redondant dans son arbre généalogique est un hommage à Abdelkader el Jilani, fondateur de la confrérie au xie siècle à Bagdad. Le prestige d'Abdelkader repose sur une filiation revendiquée au fondateur de cette confrérie et donc à la foi au fondateur d'une confrérie et à sa lignée de chérif. Une généalogie alternative possédée par sa famille le fait descendre directement de Abdelkader el Jilani6. La tribu Hachem à laquelle appartient la famille de l'émir est d'origine berbère, Zénète, laisserait planer un doute sur l'authenticité chérifienne de l'émir. Cette apparente contradiction peut être expliquée par le fait que des familles chérifiennes se sont implantées de tout temps parmi les Sanhadjas et les Zénètes pour enseigner l'islam ou tout simplement comme résidents, ce qui semble être le cas de la famille de l'émir5,Note 1.

Son père, Mahieddine al-Hasani, est un mouqaddam dans une institution religieuse affiliée à la confrérie soufie Qadiriyya7. Ses connaissances en matière religieuse et sa droiture en font un intermédiaire entre le pouvoir du bey et la population8. Sa mère, Lalla Zohra, est la fille de Sidi Omar Bendoukha, mokaddem d'une zaouia de Hammam Bou Hadjar. Elle savait lire et écrire et était savante en religion. Cette famille, réputée chérifienne, vit dans la plaine de Ghriss qui constitue, depuis le xviie siècle, un espace culturel et politique riche et actif, dépassant Tlemcen8, alors que le bey de l'Ouest s'est installé à Mascara, .

Il grandit dans la zaouïa de son père qui, au début du xixe siècle, est le centre d'une communauté florissante sur les bords de la rivière de l'Oued el Hammam. Comme les autres étudiants, il reçoit une éducation traditionnelle en théologie, jurisprudence et grammaire ; il est dit qu'il savait lire et écrire à l'âge de cinq ans. Enfant doué, Abdelkader réussit à réciter le Coran par cœur à l'âge de 14 ans, recevant ainsi le titre de hafiz. Un an plus tard, il se rend à Oran pour poursuivre ses études7. Il rejoint l’école la plus prestigieuse du beylik, celle que tenait Ahmed ben Khodja el Mostaghanmi8. Il est un bon orateur et peut émerveiller ses pairs par des poésies ou des diatribes religieuses9.


Abdelkader, gravure de 1843
A l'age de 15 ans, il revient à Guethna, pour se marier à sa cousine Kheira bent Boutaleb. Son père le prépare pour le grand voyage vers l'Est. Mais le bey, méfiant, leur interdit de quitter Oran. Abdelkader en profite, durant deux années, pour poursuivre ses études avec son cousin Mustapha ben Thami, fils du mufti de la ville. Ce dernier, avec l'appui de Badra, la femme du bey, et de certains fonctionnaires, réussit à infléchir la position du bey8.

En 1825, il part avec son père faire le pèlerinage à La Mecque. Là-bas, il rencontre l'Imam Chamil ; les deux discutent longuement de différents sujets. Il se rend également à Damas et à Bagdad, visite les tombes de musulmans notables, tels que Ibn Arabi et Abdelkader al-Jilani, appelé El-Djilali en Algérie (il sera enterré à côté de sa tombe). Cette expérience structure son enthousiasme religieux. C'est dans cette ville qu’il répondit à une question sur sa généalogie :

« Ne demandez jamais quelle est l’origine d’un homme ; interrogez plutôt sa vie, son courage, ses qualités et vous saurez qui il est. »8.

Sur le chemin du retour, il est impressionné par les réformes menées par Méhémet Ali en Égypte. Il revient dans sa patrie en 18298.

Invasion française et résistance
Premiers succès (1830-1837)
Au début du xixe siècle, l'Algérie est un pays divisé, vassal de L'Empire Ottoman. Le sultan turc y impose un Dey. De nombreuses rébellions sont réprimées dans le sang. De même, les relations avec la France sont conflictuelles et, en 1830, Alger est prise par les troupes françaises. La domination coloniale française sur la régence d'Alger supplante la domination des deys d'Alger.

Lorsque l'armée française arrive à Oran en janvier 1831, le père d'Abdelkader est chargé de mener une campagne de harcèlement9. Mahieddine appelle au jihad, et son fils et lui participent aux premières attaques sous les murs de la ville7.


Traité Desmichels conclu à Oran le 26 février 1834 entre la France et Abdelkader.
C'est à ce moment qu'Abdelkader, 23 ans, apparaît au premier plan. Lors d'une réunion des tribus de l'ouest, le 22 novembre 1832, il est désigné par les tribus comme sultan et Âmir al-Muminin, ou « commandeur des croyants » (à la suite du refus de son père d'occuper ce poste, au motif qu'il est trop vieux)10. Cette réunion a lieu dans la plaine d'Eghris. Le titre est confirmé cinq jours plus tard à la grande mosquée de Mascara. Les tribus de l'Ouest répondent de manière contrastée à l'appel du djihad : le vide laissé par la prise d'Alger fait que certaines tribus makhzen et les Kouloughli, lui demandent de reconnaître l'autorité des Turcs du Constantinois, les Maures de Tlemcen privés du Mechouar où sont enfermés les Kouloughli, lui demandent de reconnaître l'autorité du sultan du Maroc alors que les tribus makhzen Douair et Smala, commandées par Moustapha Ben Ismaïl, lui demandent de reconnaître leur convention passée avec la France. Abdelkader accepte toutes les propositions pour se donner le temps de constituer son État mais réprime rapidement les velléités de scission : dès son entrée dans Tlemcen, il change le califat des Maures et fait attaquer la garnison kouloughli11. Ce faisant il se brouille avec Moustapha Ben Ismaïl qui fait appel au Maréchal Clauzel11. Le jeune chef se contente du titre d'émir dans ses correspondances avec le sultan du Maroc pour ne pas exciter la jalousie de ce prince duquel il espère un soutien12. Paradoxalement, c'est la guerre et la paix qui feront sa renommée, et ses titres d'âmir al-Muminin et de sultan seront confirmés par les traités qui en feront un souverain local incontesté sur un grande partie de l'Algérie, sans même devoir verser de tribut aux Français11.

En un an, grâce à une combinaison de raids punitifs et de politique prudente, Abdelkader réussit à unir les tribus de la région, et à rétablir la sécurité - sa zone d'influence couvre désormais toute la province d'Oran7.

Le général français Louis Alexis Desmichels, commandant en chef, voit en Abdelkader le représentant principal de la région pendant les négociations de paix et, en 1834, il signe le traité Desmichels qui cède presque complètement le contrôle de la province d'Oran à Abdelkader9. Pour les Français, c'est une manière d'établir la paix dans la région tout en confinant Abdelkader à l'ouest ; mais son statut de co-signataire contribue beaucoup à son prestige aux yeux des Berbères et des Français13.

Utilisant ce traité comme une base de départ, il impose sa domination sur les tribus du Chelif, de Miliana et Médéa9. Le haut commandement français, mécontent de ce qu'il considère maintenant comme les termes défavorables du traité de Desmichels, rappelle le général Desmichels et le remplace par le Général Trézel, ce qui provoque une reprise des hostilités. Les guerriers tribaux d'Abdelkader rencontrent les forces françaises en juillet 1834 lors de la bataille de la Macta où les Français subissent une défaite inattendue7. La France réagit en intensifiant sa campagne de pacification et, sous de nouveaux commandants, les Français remportent plusieurs batailles importantes, dont la bataille de la Sikkak.

En France, la Monarchie de Juillet a supplanté la monarchie légitime. Louis-Philippe Ier a succédé à son cousin Charles X, renversé lors des journées des Trois glorieuses. L'opinion politique Française éprouve des sentiments ambivalents envers l'Algérie et, lorsque le général français Thomas Robert Bugeaud déploie ses troupes dans la région en avril 1837, il est « autorisé à utiliser tous les moyens pour inciter Abd el-Kader à faire des ouvertures de paix. »14.Le traité de la Tafna est signé le 30 mai 1837. Ce traité, tout en assurant d'avantage la domination d'Abdelkader sur les parties intérieures de l'Algérie, confirme la souveraineté de la France sur l'Algérie. Tout en étant soumis à la France, Abdelkader prend ainsi le contrôle de tout Oran et étend son influence à la province voisine de Titteri, et au-delà9.

Infanterie régulière d'Abdelkader
Infanterie régulière d'Abdelkader

Cavaliers rouges d'Abdelkader
Cavaliers rouges d'Abdelkader

Réguliers d'Abdelkader, 1852-58
Réguliers d'Abdelkader, 1852-58

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Nouvel État
Article connexe : État d'Abdelkader.

Boudjou algérien
La période de paix qui suit le traité de la Tafna profite aux deux parties et l'émir Abdelkader en profite pour consolider un nouvel État fonctionnel, avec pour capitale Tagdemt. Il minimise son pouvoir politique, refusant à plusieurs reprises le titre de sultan et s'efforçant de se concentrer sur son autorité spirituelle15. L'État qu'il crée est largement théocratique : la plupart des postes d'autorité sont occupés par des membres de l'aristocratie religieuse, le système juridique et administratif qu'il institue s'inspire fortement de la loi coranique16, jusqu'à l'unité principale de la monnaie qui est appelée le muhammadiyya (dit « boudjou d'Abdelkader »), d'après le prophète de l'islam17.


Carte de l'État d'Abdelkader entre 1836 et 1839.
Sa première action militaire est de se déplacer vers le sud dans le Sahara et at-Tijini. Ensuite, il se déplace vers l'Est jusqu'à la vallée du Chelif et du Titteri mais le bey de Constantine, Hadj Ahmed, lui oppose résistance. En d'autres cas, il fait massacrer les KouloughlisNote 2 de Zouatna pour avoir soutenu les Français18. À la fin de 1838, son règne s'étend à l'Est jusqu'à la Kabylie, au sud jusqu'à Biskra et à la frontière marocaine9. Il continue à se battre à Tijini et assiège sa capitale à Aïn Mahdi pendant six mois, finissant par la détruire.

Un autre aspect d'Abdelkader qui l'aide à diriger son État naissant est sa capacité à trouver et à utiliser de bons talents, indépendamment de sa nationalité. Il emploie des Juifs et des chrétiens sur le chemin de la construction de sa nation. L'un d'eux est le diplomate Léon Roches9. Son approche à l'armée est d'avoir une troupe permanente de 2 000 hommes soutenue par des volontaires des tribus locales. Il place dans les villes de l'intérieur, des arsenaux, des entrepôts et des ateliers où il stocke des objets à vendre pour les achats d'armes venant d'Angleterre. Grâce à sa vie frugale (il vit dans une tente), il enseigne à son peuple la nécessité de l'austérité et à travers l'éducation, il leur enseigne des concepts tels que la nationalité et l'indépendance9.

Fin de la nation

Peinture de l'expédition des portes de fer, en Kabylie.
La paix prend fin lorsque le duc d'Orléans, héritier du trône, ignorant les termes du traité de la Tafna, dirige une force expéditionnaire qui franchit les portes de fer. Le 15 octobre 1839, Abdelkader attaque les Français alors qu'ils colonisent les plaines de la Mitidja, et les met en déroute. En réponse, les Français lui déclarent officiellement la guerre le 18 novembre 183919. Les combats s'embourbent jusqu'à ce que le général Thomas Robert Bugeaud retourne en Algérie, cette fois en tant que gouverneur général, en février 1841. Abdelkader est initialement encouragé à entendre que Bugeaud, le promoteur du Traité de la Tafna, revienne ; mais cette fois, la tactique de Bugeaud est radicalement différente ; son approche est celle de l'annihilation, avec la conquête de l'Algérie comme finalité9 :


Captivité du trompette Escoffier et de ses camarades Briant et Wolff chez Abdelkader en 1943[Quoi ?], estampe de 187020
Abdelkader pratique une guérilla efficace et, jusqu'en 1842, remporte de nombreuses batailles. Il signe souvent des trêves tactiques avec les Français. Sa base de pouvoir est dans la partie occidentale de l'Algérie, où il réussit à unir les tribus contre les Français.

Il est reconnu pour sa chevalerie. Par exemple, il libère ses captifs français simplement parce qu'il n'a pas assez de vivres pour pouvoir les nourrir. Au cours de cette période, Abdelkader fait preuve de leadership politique et militaire et agit comme un administrateur compétent et un orateur persuasif. Sa foi fervente dans les doctrines de l'Islam est incontestée[réf. nécessaire].

Le maréchal Bugeaud n'a de cesse de poursuivre Abdelkader, dont il prend la capitale, Mascara, en 184121.


Carte et timbre en l'honneur d'Abdelkader et Bugeaud, 1950
La résistance d'Abdelkader est réprimée par le maréchal Bugeaud, en raison de l'adaptation de Bugeaud à la tactique de guérilla. Si Abdelkader frappe vite et disparaît dans le terrain avec l'infanterie légère, les Français augmentent leur mobilité. Les armées françaises répriment brutalement la population indigène et pratiquent la politique de la terre brûlée.

En 1841, ses fortifications presque détruites, Abdelkader est forcé d'errer à l'intérieur d'Oran. En 1842, il perd le contrôle de Tlemcen et ses lignes de communication avec le Maroc ne sont pas efficaces.


Le duc d'Aumale (1840)

Prise de la smalah d'Abd-el-Kader à Taguin, 16 mai 1843
Horace Vernet, 1844
Commande du roi Louis-Philippe
La capitale ambulante de l'émir, sa " smalah ", est surprise le 16 mai 1843, à Taguin, par le duc d'Aumale, l'un des fils cadets du roi Louis-Philippe,21.

Abdelkader réussit à passer la frontière au Maroc pour un sursis mais les Français battent les Marocains à la bataille d'Isly9. Il quitte le Maroc et peut continuer le combat contre les Français, en prenant Sidi Brahim, à la bataille de Sidi-Brahim en septembre 18459. En 1846, il opère sa jonction avec les Kabyles et n'est repoussé vers le Maroc qu'avec de grandes difficultés22.

Capitulation

Représentation artistique de la capitulation d'Abdelkader en 1847.
Abdelkader est en fin de compte contraint de se rendre. Son échec à obtenir le soutien des tribus de l'Est, à l'exception des Berbères de l'ouest de la Kabylie et de la coalition formée par les Ouled Sidi Abid, contribue à l'étouffement de la rébellion, et un décret d'Abd al-Rahman du Maroc, après le traité de Tanger, bannit l'émir de tout son royaume17. Le 21 décembre 1847, Abdelkader se rend au général Louis de Lamoricière en échange de la promesse qu'il serait autorisé à aller à Alexandrie ou à Acre9. Il a commenté sa propre reddition avec les mots : « Et Dieu défait ce que ma main a fait » (bien que cela soit probablement apocryphe). Sa demande est acceptée et, deux jours plus tard, sa reddition est rendue officielle au gouverneur général français d'Algérie, Henri d'Orléans, duc d'Aumale, auquel Abdelkader remet symboliquement son cheval de bataille17. En fin de compte, cependant, le gouvernement français refuse d'honorer la promesse du général de Lamoricière : Abdelkader est envoyé en France et, au lieu d'être autorisé à être conduit en Orient, est gardé en captivité9,17.

Emprisonnement et exil

Tombe au château d'Amboise, de 27 membres de la suite d'Abdelkader morts durant son séjour en ce lieu, dont l'une de ses femmes, un de ses frères, et deux de ses enfants.
Abdelkader, sa famille et ses fidèles furent détenus en France, d'abord au fort Lamalgue à Toulon, puis à Pau, et en novembre 1848, ils furent transférés au château d'Amboise9.

L'humidité du château conduit à la détérioration de la santé ainsi que du moral de l'émir et de ses partisans. Sa vie devient une cause célèbre dans certains cercles littéraires. Plusieurs personnalités, dont Émile de Girardin et Victor Hugo, demandent plus de précisions sur la situation de l'émir. Le futur premier ministre, Émile Ollivier, mène une campagne d'opinion publique pour sensibiliser le public à son sort. Il y a aussi une pression internationale. Lord Londonderry (dit George Vane-Tempest, 5e marquis de Londonderry) rend visite à Abdelkader à Amboise, et écrit par la suite au président de l'époque, Louis Napoléon Bonaparte (qu'il a connu lors de l'exil de ce dernier en Angleterre) pour faire appel à la libération de l'émir17.


Napoléon III rend la liberté à l'émir Abd el-Kader, tableau par Ange Tissier (1861).
Louis-Napoléon Bonaparte (plus tard l'empereur Napoléon III) est un président relativement nouveau, arrivé au pouvoir à la suite de la révolution de 1848 alors qu'Abdelkader est déjà emprisonné. Il tient à rompre avec plusieurs politiques du régime précédent et la cause d'Abdelkader en fait partie17. Finalement, le 16 octobre 1852, Abdelkader est libéré par l'Empereur et reçoit une pension annuelle de 100 000 francs23, en prêtant serment de ne plus jamais fomenter de troubles en Algérie.


Abdel Kader, gravure de 1850
Il s'installe alors à Bursa, aujourd'hui en Turquie, et déménage en 1855 dans le district d'Amara à Damas. Cette année-là, il écrit une Épître aux Français, dans laquelle il déclare :

« Les habitants de la France sont devenus un modèle pour tous les hommes dans le domaine des sciences et du savoir24. ».

Il se consacre de nouveau à la théologie et à la philosophie et compose un traité philosophique dont une traduction française est publiée en 1858 sous le titre de Rappel à l'intelligent. Avis à l'indifférent25. Il écrit un article sur le cheval barbe, traitant également de l'origine des Berbères26. Pendant son séjour à Damas, il se lie d'amitié avec Jane Digby, ainsi qu'avec Richard Francis Burton et Isabel Burton. La connaissance du soufisme et les connaissances linguistiques d'Abdelkader lui font gagner le respect et l'amitié de Burton. Sa femme Isabel le décrit comme suit :

« Il s'habille uniquement en blanc … enveloppé dans l'habituel burnous enneigé … si vous le voyez à cheval sans le savoir être Abdelkader, vous le feriez sortir … il a le siège d'un gentleman et d'un soldat. Son esprit est aussi beau que son visage27. »

Émeutes anti-chrétiennes de 1860
Article connexe : Massacre de Damas.

Tableau représentant l'émir Abdelkader, protégeant les chrétiens à Damas en 1860, lors des massacres commis par les Druzes.
En juillet 1860, le conflit entre les Druzes et les maronites du mont Liban s'étend à Damas, et les Druzes locaux attaquent le quartier chrétien, tuant plus de 3 000 personnes. Abdelkader prévient auparavant le consul de France ainsi que le consul de Damas que la violence est imminente ; quand le conflit a finalement éclaté, il abrite un grand nombre de chrétiens, y compris les chefs de plusieurs consulats étrangers ainsi que des groupes religieux tels que les sœurs de la Miséricorde, dans sa maison, en sécurité. Ses fils aînés sont envoyés dans les rues pour offrir à tous les chrétiens un abri contre la menace, sous sa protection, et il est dit par beaucoup de survivants, qu'Abdelkader lui-même a joué un rôle essentiel dans leur sauvetage.

« Nous étions consternés, nous étions tous convaincus que notre dernière heure était arrivée […]. Dans cette attente de la mort, dans ces moments d'angoisse indescriptibles, le ciel nous a envoyé un sauveur! Abd el-Kader est apparu, entouré de ses Algériens, une quarantaine d'entre eux. Il était à cheval et sans armoiries : sa belle figure calme et imposante contrastait étrangement avec le bruit et le désordre qui régnaient partout.
- Le Siècle, 2 août 186928 »

Dernières années
Les rapports publiés en Syrie, alors que les émeutes se sont calmées, soulignent le rôle prééminent d'Abdelkader, suivi d'une reconnaissance internationale considérable.


Cadeau d'Abraham Lincoln à l'émir Abdelkader.
Le gouvernement français augmente sa pension à 150 000 francs, et lui confère la grand- croix de la légion d'honneur29 ; il reçoit également de la Grèce, récemment libérée de la domination turque, la grande croix du Sauveur, l'ordre de la Médjidié 1re classe de Turquie, et l'ordre de Pie IX du Vatican19. Abraham Lincoln lui envoie une paire de revolvers incrustés (maintenant exposés dans le musée d'Alger) et la Grande-Bretagne, un fusil de chasse incrusté d'or.

En France, l'épisode représente l'aboutissement d'un revirement remarquable, d'être considéré comme un ennemi de la France durant la première moitié du xixe siècle, et de devenir un « ami de la France » après être intervenu en faveur des chrétiens persécutés30,31,32,33,34,35,36.


Portrait d'abd-el-Kader, entre 1863 et 1880
Le 18 juin 1864, il est initié à la franc-maçonnerie par la loge « Les pyramides d'Égypte » d'Alexandrie, par délégation de la Loge parisienne « Henri IV »37,38.

En 1865, il visite Paris à l'invitation de Napoléon III, et est accueilli avec un respect tant officiel que populaire.

Il est invité à l'inauguration du canal de Suez, le 17 novembre 1869, du fait de ses liens avec le vice-roi d'Égypte, Ismaïl Pacha, mais également avec Ferdinand de Lesseps dont il avait été, du côté oriental, l'un des plus actifs et pérennes appuis39,40.

En 1871, lors de la révolte de Mokrani en Algérie, il renie un de ses fils qui a tenté de soulever les tribus autour de Constantine9.

Abdelkader meurt à Damas le 26 mai 1883, et est enterré près du grand soufi Ibn Arabi, à Damas.

Son corps est retrouvé en 1965, et repose aujourd'hui au cimetière d'El Alia, à Alger. Afin de cimenter la cohésion nationale, la famille avait donné son autorisation de transférer ses restes de Syrie vers l'Algérie à la condition que son arrière-petit-fils Abder Razak Abdelkader, détenu par le gouvernement algérien, soit libéré ; à cet effet, il est expulsé vers la France41. Le transfert des restes de l'émir fait l'objet d'un film, intitulé Poussières de Juillet, réalisé en 1967 par Kateb Yacine et M'hamed Issiakhem42, unique collaboration entre ces deux figures de la modernité artistique et littéraire algérienne. Ce transfert est controversé, car Abdelkader avait clairement voulu être enterré à Damas, avec son maître Ibn Arabi.

Héritage et image

La place de l'Émir-Abdelkader, à Alger.
Dès le début de sa carrière, Abdelkader inspire de l'admiration, non seulement de l'intérieur de l'Algérie, mais aussi des Européens, même en combattant contre les forces françaises. La « généreuse pré-occupation, la tendre sympathie » qu'il montre à ses prisonniers de guerre est « presque sans parallèle dans les annales de la guerre »43, et il prend soin de respecter la religion privée des captifs. En 1843, le maréchal Soult déclare qu'Abdelkader est l'un des trois grands hommes vivants sur terre ; les deux autres, l'Imam Shamil et Méhémet Ali d'Égypte, sont aussi musulmans44. Il est actuellement respecté, comme l'un des plus grands de son peuple9.

Abd el-Kader fait l’objet d’une véritable construction mythologique au cours du XIXe siècle, en particulier en France. Celle-ci s’observe dans les représentations des artistes au cours de ce siècle. Même si les significations attribuées à Abd el-Kader évoluent en fonction de l’époque, il est le seul chef indigène ainsi valorisé45.

Iconographie et représentations
À partir de 1843, les représentations et descriptions d'Abd el-Kader sont moins fantaisistes et insistent sur la noblesse du personnage. Les valeurs d’Abd el-Kader (distinction, sobriété, piété…) participent à la mise en place de ce portrait valorisant. Il s’inscrit aussi dans la tradition ancienne de reconnaître un caractère chevaleresque à l’adversaire oriental45. Ainsi, Abd el-Kader est déjà une « légende » lors de sa reddition en 1847. Les représentations de cet épisode louent donc conjointement la victoire de la France et la dignité du vaincu. A la fin de la Monarchie de Juillet, l’émir possède une grande renommée et une « extrême popularité »45.

Cette popularité se conservera après la chute de la Monarchie. Lorsque le Prince Président le libère en 1852 lors de sa rencontre à St Cloud, il est « l’idole de Paris »45. C’est à ce contexte qu’appartiennent le tableau Napoléon, prince-président, recevant l'émir Abd-el-Kader au palais de Saint-Cloud de Gide46 et le relief L’empereur reçoit Abd el-Kader au palais de Saint Cloud de Carpeaux, inspiré de la Mort du Général Marceau par Lemaire47. Cette œuvre a pour but de montrer, qu’à la différence de la Monarchie qui emprisonne, Napoléon III libère. L’œuvre rappelle Les Pestiférés de Jaffa et l’attitude des personnages inscrivent cette scène dans la tradition du roi thaumaturge48.

L’épisode de la protection des chrétiens de Damas renforce son image49,50 et Abd el-Kader est alors présenté comme un parallèle de Napoléon, deux empereurs vaincus. L’image de ce personnage acquiert aussi une dimension religieuse à cette époque. Si la renommée d’Abd el-Kader baisse à la fin du XIXe siècle, la IIIe République va reprendre ce symbole et l’inclure dans un discours colonial, faisant d’Abd el-Kader un « chantre du patriotisme français »45. Comparé à Jugurtha ou à Vercingétorix, Abd el-Kader est alors présenté comme l’ennemi héroïque vaincu mais justifiant et acceptant la conquête française50.

Dans l’Algérie post-coloniale, Abdelkader va aussi connaître une réutilisation de son image. Alors qu'il est absent des premiers discours des Algériens luttant contre la colonisation (son lien avec la France l’ayant discrédité), il devient une figure nationale à partir de 1964 et sert à justifier l’abandon du système des tribus au bénéfice d’une unité centrale50. François Pouillon remarque que dans un ouvrage publié en 1974 par le ministère de l’Information et de la Culture, aucune photographie n’est reproduite. Cela permet de ne conserver que l’image du résistant en omettant la possibilité de connivence avec la France. Ainsi, les photographies le montre généralement portant sa Légion d’Honneur, ce qui ne correspond pas à la lecture nationaliste. De même, son appartenance au soufisme a été cachée51,52.


Place Émir-Abd-El-Kader à Lyon (France)
Portrait

Portrait d'Abdelkader peint à Constantinople en 1866 par Stanisław Chlebowski. Huile sur toile, 1866. Musée Condé, Chantilly.
Dès les années 1836-1837, des représentations d’Abd el-Kader apparaissent dans des éditions françaises. Celles-ci sont majoritairement fantaisistes, donnant un aspect rude au personnage. À partir de 1843, un souci d’exactitude dans la représentation apparaît45.

Une médaille à l'effigie d'Abdelkader est gravée par Antoine Bovy en 1862. L'effigie du droit est inspirée du portrait peint par Ange Tissier en 1852. Le revers porte l'inscription suivante au pourtour :

« Émir de l'Afrique du Nord. Défenseur de la nationalité Arabe. Protecteur des chrétiens opprimés * 1862 », et dans le champ :

« Jugurtha moderne / Il a tenu en échec / L'une des plus puissantes nations / De la Terre / Pendant 14 ans son histoire / Est celle de nos revers et de nos succès / En Afrique / Il fait sa soumission le 23 décembre 1847 / Un décret magnanime de Napoléon III / Lui rend la liberté le 2 décembre 1852 / En 1860 il s'acquitte envers l'Empereur / En devenant la providence / Des chrétiens de Syrie / La France / Qu'il a combattue / L'aime et l'admire ».
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