«Des produits interdits en Europe commercialisés chez nous»

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La consommation des compléments alimentaires en Algérie a été multipliée par quatre les cinq dernières années. La majorité de ces produits sont mis sur le marché sans contrôle, certains sont nocifs, peuvent présenter de nombreux problèmes de santé et faire courir aux personnes des risques de surdosage ou d’interaction médicamenteuse en cas de prise inadaptée surtout pour leurs allégations thérapeutiques d’où la nécessité d’une réglementation, d’une traçabilité et d’une sensibilisation continue, selon l’invité de «LSA direct», le Pr Belmahi Mohamed-Habib, chef de service de toxicologie du CHU Ben-Badis de Constantine.

Une étude comparative des résultats de deux enquêtes réalisées par des étudiants en fin de cycle du département de pharmacie de la Faculté de médecine de Constantine sur la consommation des compléments alimentaires en Algérie a révélé qu’en 2015, 11% d’Algériens prenaient des compléments alimentaires et qu’ils étaient 43% en 2020. L’invité de Hakim Laâlam a précisé que le pourcentage des femmes accros à ces produits était plus important que celui des hommes, avec respectivement 22 et 14%. A visée amincissante, anti-stress, revitalisante ou destinés aux sportifs, ces produits sont souvent perçus comme anodins mais peuvent, dans certains cas, exposer le consommateur à des risques sanitaires graves. Différentes tranches d’âge sont concernées par cette consommation et celle des 17-25 ans prennent ces additifs avant et pendant les examens. Pour les 15-35 ans, la consommation est élevée en été car il s’agit «d’apports pour le développement de la condition physique», selon le professeur. Ce dernier ajoutera que «les + 55 ans consomment plus de denrées alimentaires en hiver pour leur immunité», en l’occurrence le zinc, le magnésium et la vitamine D. «Durant la pandémie de Covid-19, nous avons observé une surconsommation de ces molécules», précise le toxicologue avant d’ajouter : «Or, le surdosage de ces molécules comme le magnésium peut entraîner des troubles digestifs (diarrhées) confondues souvent avec une des manifestations des signes du Covid.» Le spécialiste, qui alerte sur une surconsommation de compléments nutritifs, recommande que des études soient faites sur le comportement alimentaire des Algériens «pour évaluer les carences en vitamines, en protéines et en oligo-éléments probables».

Attention à la créatine dans les salles de sport
À une question relative à la conformité de certains produits en vente libre chez nous, le Pr Belmahi a expliqué que «certaines molécules utilisées comme antistress à base de Garcinia interdites aux USA en 2009 et en France en 2012 sont toujours commercialisés en Algérie». Et d’avertir que ces produits peuvent provoquer des troubles hépatiques et neurologiques. Aujourd’hui, le risque s’accroît avec la multiplication des spots publicitaires pour les denrées alimentaires et l’invité de «LSA direct» insiste sur le flou qui caractérise les limites juridiques entre médicaments et compléments alimentaires car «une même substance peut, en fonction de la dose utilisée, répondre à l'un ou à l'autre». L’occasion a été propice pour rappeler l’épisode de l’additif Rahmat Rabi (RHB) et son retrait du marché par le ministère du Commerce suite aux conclusions de l’expertise demandée au Pr Belmahi à cette époque.
Le professeur soulignera qu’une autre étude réalisée par son équipe a démontré que les produits utilisés dans les salles de fitness et de musculation à base de créatine contiennent plus de 50% d’impuretés. Il est à préciser que la créatine du commerce est un dérivé synthétique résultant d'une réaction chimique entre la sarcosine de sodium et la cyanamide, vendue sous forme de poudre soluble ou semi-soluble, en comprimés, en gaufrettes ou sous forme liquide. Ces produits sont dangereux et peuvent engendrer des risques de cardio-toxicité et de néphro-toxicité, selon M. Belmahi qui expliquera que « la prise de 25 g de créatine par jour est équivalente à l’ingestion de 4 à 5 kg de viande, ce qui constitue en soi un apport protéique considérable ».

La fiche orange non exploitée
Pour signaler les effets indésirables des compléments alimentaires, le Centre national de pharmacovigilance (CNPM) a mis en place un système d’alerte qui se traduit par une fiche orange qui fait état d’une identification du patient et du produit avec des notions obligatoires comme le nom commercial complet, le fabricant, le fournisseur et le numéro du lot, ainsi que le lieu de l’achat. Notre expert, qui révélera l’existence de cette fiche, regrette qu’elle ne soit pas exploitée. Il n’y a pas de retour d’information malheureusement «d’où la nécessité d’élargir la déclaration obligatoire des effets indésirables», selon l’invité.

Des drogues de soumission de plus en plus répandues
3 enfants âgés de 8 à 11 ans ont été hospitalisés à Sidi-Bel-Abbès pour consommation de drogue la semaine dernière. L’information n’étonne pas le toxicologue qui tire la sonnette d’alarme sur la prise de drogue de plus en plus répandue. Il souligne qu’au niveau de son service, un dépistage a été fait et «l’on constate qu’il y a énormément d’abus et une utilisation anarchique et intempestive de psychotropes».
Et d’ajouter : «Je ne sais pas comment le phénomène a pris de l’ampleur et touche, non seulement les garçons mais les filles également dont certaines peuvent subir, dans le cadre des fêtes de mariage ou d’anniversaires surtout, des drogues de soumission, les chiffres durant ces deux dernières années sont effarants.» M. Belmahi insistera : «Il faut en parler le plus souvent possible, dans les écoles et pas uniquement durant les journées spécifiques comme celle de la toxicomanie.
Il faut que ce soit une sensibilisation perpétuelle qui montre des fois des images chocs.» C’est le seul moyen pour dissuader les jeunes.
Ilhem Tir

Publié par Ilhem Tir
le 10.07.2021 , 11h00
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A voir absolument la vidéo 58.39mn site "LE SOIR D'ALGERIE"