L’une des communes les plus importantes et les plus peuplées de la wilaya de Annaba, en l’occurrence El Bouni, est en perpétuelle expansion, à tel point que beaucoup d’observateurs se plaisent à affirmer que d’ici une dizaine d’années, il ne subsistera aucun espace de verdure entre cette dernière et le chef-lieu de wilaya. A croire que la quatrième ville du pays est en passe de devenir la première agglomération de toute la région Est du pays. Il y a encore une quinzaine d’années, El-Bouni avait encore l’apparence d’une cité-dortoir destinée à l’afflux des familles dans le cadre de l’exode rural. Aujourd’hui, il n’en est rien. Même si les immeubles en construction demeurent de mise à l’heure actuelle, force est de constater que maisons individuelles, villas et boulevards pullulent dans cette localité que tout le monde continue à appeler « Sonatiba ». L’exode rural y a forcément amené des mœurs et habitudes quasi-inconnues des us et coutumes citadines. Il n’est pas rare de croiser en effet, des troupeaux de bovins voire d’ovins, à tel point que ces derniers sont devenus, au fil des années, partie intégrante du paysage urbain, ce qui est le cas dans les communes voisines, à l’instar de Sidi-Amar ou El-Hadjar, entre autres. Mais, depuis peu, certains citoyens ont commencé à prendre conscience qu’il fallait mettre un terme à cette forme de ruralisation anarchique en milieu urbain. En témoigne Hichem, étudiant au pôle universitaire d’El-Bouni. « Il va falloir que ça cesse un jour, s’énerve-t-il. Nous ne pouvons plus laisser perdurer ce genre d’habitude. Nous sommes en ville et pas à la campagne. Les autorités locales n’ont jamais rien fait pour contrer ce phénomène de ruralisation ambiante. Il faut réagir de toute urgence auquel cas nous serons submergés et je ne serais pas surpris de croiser des vaches en plein cœur du Cours de la Révolution ». Avec d’autres étudiants, Hichem souhaite constituer un collectif pour lutter contre la ruralisation d’El-Bouni. Du côté de l’APC, comme de la daïra, c’est la mise devant le fait accompli voire l’impuissance qui est de mise. Selon un responsable qui a souhaité conserver l’anonymat, « tout cela est voulu. Les autorités ont laissé faire et je pense que toute forme de contestation à l’égard du fait accompli ne sera pas faite pour plaire, loin de là. Surtout lorsque l’on sait que des lots de terrain ont été attribués frauduleusement à ces mêmes propriétaires de troupeaux de bovins ». Et du côté de ces propriétaires de bovins et d’ovins. A la vue d’un journaliste et certainement au courant de l’objet de cette sortie jugée inopinée, beaucoup ont préféré ne pas s’exprimer, à l’exception de Imed, 45 ans, originaire de Aïn Berda. « Je suis arrivé ici il y a presque vingt ans, rappelle-t-il. A l’époque, c’était le terrorisme, et je devais trouver des cieux plus cléments. J’ai échoué ici. Et comme je voulais continuer à travailler comme je le faisais avant, j’ai pu acquérir quelques vaches et voilà. Tant que je ne suis pas embêté, ça va, mais si on décide de nous interdire l’élevage, qu’est-ce que je vais faire ? » Pour le responsable cité plus haut, ce que Imed oublie de dire, c’est qu’il est, pour le moment, protégé par « des gens hautement placés et qu’il gagne plus, beaucoup plus que ce qu’il devrait gagner ». D’où un mouvement de contestation en germe à El-Bouni qui pourrait, à tout moment, dégénérer.
lestrepublicain.com - 12 mars 2014 - Lakhdar Habib
Les Commentaires