Vous êtes ici >> Accueil/Annaba Actualités/TENDANCES DIRE ET PASSER Placeholder YOUCEF MERAHI PUBLIÉ 25-01-20...
Zone Membre
Publicités

TENDANCES DIRE ET PASSER Placeholder YOUCEF MERAHI PUBLIÉ 25-01-2023, 11:00 Les rues étouffent de tant de voi

Publié le 25/01/2023
TENDANCES DIRE ET PASSER Placeholder YOUCEF MERAHI PUBLIÉ 25-01-2023, 11:00 Les rues étouffent de tant de voitures bruyantes et pressées ; les trottoirs sont bondés de gens qui, d’un pas lent ou diligent, semblent supporter toute la misère du monde. C’est mon regard du moment ; parce que mon moral est dans les chaussettes. C’est l’image utilisée fréquemment pour préciser que les jours, parfois, sont anxiogènes. En fait, c’est ainsi pour tous ; nul n’a le privilège de la tristesse qui, parfois, est lourde de conséquence. Il est vrai qu’en des moments pareils, l’être social s’imagine être le seul sur terre à connaître ce bouleversement. Alors qu’en fait, il n’en est rien ; sinon par le fait d’une imagination qui échappe souvent à tout contrôle. «Après la pluie, le beau temps», disent les plus optimistes d’entre nous. C’est un peu la noria des jours sans et des jours avec. L’homme s’est cru obligé de marquer par des mots diverses situations du quotidien. C’est avec ce regard grave que j’ai entamé ma flânerie, aujourd’hui. C’est un jour de semaine comme un autre. Je suis arrivé à un temps «t» où rien ne distingue la journée d’une autre ; nous les affublons d’un nom, juste pour compartimenter le temps. Juste pour casser une certaine monotonie. Juste pour imprimer une cadence aux jours qui défilent. Je ne suis pas loin du marché couvert. Je prends la décision de m’y rendre. Ça me fera passer ces heures qui, parfois, font dans le défi. La rue adjacente est bondée. A peine s’il ne fallait pas jouer des coudes. J’aperçois de la belle tomate ; sa couleur scintille sous l’effet d’un soleil généreux pour un mois de janvier. Je m’avance et fixe ce légume qui, curieusement, semble me repousser. «Ce n’est pas pour toi que je suis là. Je suis trop chère pour toi. Va voir ailleurs si j’y suis.» En demandant le prix au commerçant, j’ai eu un mouvement de recul, en effet. C’est vrai, je vais aller voir ailleurs. Il faut être riche pour s’offrir un kilo de tomate, aujourd’hui. Je peux jouer au riche ; mais comme dans la chanson, « il ne faut pas jouer au riche quand on n’a pas le sou». Soudain, une liste s’affiche dans mon cerveau. Une voix off me susurre à l’oreille : «Il y a autre chose à acheter ; laisse tomber cet ingrédient. Pense aux autres légumes.» Et dans ma tête résonne ce slogan publicitaire du câble : «Il faut manger cinq fruits et légumes par jour.» Je n’ai jamais compris cette publicité. Puis, je ne vois pas cinq fruits et légumes dans mon marché. De toute façon, mon couffin repartira vide d’ici. A moins d’opter pour la sardine. J’en vois de la belle «bleue». Une friture de sardine ferait l’affaire, me semble-t-il. Les marchands de sardine rivalisent de leur appel en direction du chaland. Comment font-ils pour ne pas se taper une migraine du diable, dis-je tout bas. Je m’approche courageusement. Les sardines, arrosées à profusion, scintillent sous l’effet d’un soleil généreux d’un janvier estival. Mon couffin vide pendouillant comme une pendule à l’extrémité de mes doigts, je demande le prix. Quelle audace ai-je eu ? Mille dinars le kilo, mille, pas plus. Comme dans un cauchemar, je m’entends dire : «Passe ton chemin, ce n’est pas pour toi, tu n’es pas assez riche. Rentre chez toi, malheureux. Accroche ton couffin au clou de ta misère. Et, surtout, scrute le 20 du mois, ta pension ne saurait tarder. Laisse les nantis faire leurs emplettes. Rentre chez toi, te dis-je.» Je quitte cet endroit, les oreilles pleines de ce cri (appel !) : «Sardine, sardine ! La bleue, la bleeeuuue !» Je continue mon petit circuit dans une ville pleine à craquer. Le soleil est printanier. Dire qu’on est en janvier me paraît hasardeux tellement le soleil règne en maître. Je vois des groupes se dorer sous cette lumière ineffable. Je vois des jeunes légèrement vêtus ; alors que j’ai sur le dos une parka made in bladi. La grippe n’attend que le bon moment pour attaquer les imprudents. Les voitures sont les maîtres du moment. Il faut, surtout, faire gaffe en traversant ; un conducteur mal luné pourrait confondre vos godasses avec le bitume. Ça passe à hue et à dia. Au diable les convenances sociales ! Une purée de nous autres. Je m’arrête chez Omar. Je retrouve ce milieu des livres. J’ai toujours pensé que le livre est le compagnon idéal ; car les écrivains, une fois leur œuvre soumise au lecteur, sont subitement silencieux. Ils offrent des textes à des mains hâtives et des yeux gourmands. Ils laissent place à un cri silencieux ; il suffit de bien le chercher en déroulant le fil de l’écrit. En fait, le lecteur est face à soi-même le temps que dure la lecture. L’écrivain s’efface presque. En tout état de cause, il n’intervient pas lors de ces rencontres studieuses. Comme un professeur, il n’impose aucune restriction au lecteur, qui, libre de son choix et de la manière dont il pénètre le texte, structure un échange au demeurant fécond. Il y a toujours un retour sur investissement. Le livre est un professeur en retrait mais attentif. De la lecture, on ingurgite des leçons (grammaire, orthographe, style) sans s’en rendre compte. Il y a comme une révision que le lecteur enchaîne au fil des pages, se rappelant « comme ça » telle règle et autres tournures. Sinon, si le mot utilisé échappe à la perspicacité du lecteur, il y a le dictionnaire, maintenant Google devient la référence, pour offrir la définition et le synonyme. Et dans cette auguste librairie, j’entends comme un brouhaha, comme si les écrivains, dont les livres sont étalés sur ces présentoirs, étaient en conclave ; et qu’ils se parlent, encore et encore, à travers les siècles. J’ai cette drôle de sensation, je ne sais pas pourquoi. Je quitte cet espace de liberté, d’imagination et de tolérance. Il est l’heure de remonter vers ma houma (chez moi, si vous voulez). Remonter est le verbe adéquat, car du fond de la cuvette tizi-ouzienne, je dois choisir la côte à moindre pente pour arriver chez moi. N’importe qui vous dira qu’il faut opter pour Trig Ech’djour (la route des arbres, autrement dit). Je n’ai pas en tête le toponyme actuel. Je promets de jeter un coup d’œil sur la plaque signalétique. En tout cas, il est de tradition populaire de l’appeler communément «Trig Ech’djour». C’est joli, non ? Je ne peux pas démentir le génie populaire ; puis, il aurait été plus commode de l’appeler par ce toponyme. Je grimpe la montée sans trop haleter. Le collège Mouloud-Feraoun me tend les bras ; je laisse à ma gauche le lycée Fatma-N’Soumer (ex-lycée Amirouche où j’ai fait une partie de mon secondaire), pour ensuite faire tout le boulevard Nouri-Mustapha (ex-boulevard du Nord). Je fais le guide touristique sans le vouloir ; au fait, c’est une mémoire despotique qui m’oblige souvent à fouler certaines anciennes traces. Je ne sais plus qui a dit qu’on ne guérissait pas tout à fait de son passé. C’est mon cas, aujourd’hui. Ça ne sert pas à grand-chose, je le sais ; c’est un peu comme la poésie, on remâche toujours le même chewing-gum. Bref, ma flânerie de ce jour a pris une autre tournure. Ma mémoire a pris le pas sur l’effort physique. Mais, que c’est bon (jouissif ?) de se rappeler de certains moments d’hier ! J’ai pris de Keltoum Staali (in Talisman, éd. Alba, 2005) cette citation : «Ecrire un pays qui n’existe pas vraiment mais qui s’invente au fil des textes. Pour l’atteindre, il faut parler plusieurs langues ou une seule mais alors, inconnue…» Y. M. Placeholder YOUCEF MERAHI PUBLIÉ 25-01-2023, 11:00
« Actualité précédente
MOCHES, SALES ET INTERMINABLES
Actualité suivante »
A toutes fins utiles par Hamid Dahmani Il y a une expression qui dit que «la fin justifie les moyens», ce qu

Les Commentaires

TENDANCES

DIRE ET PASSER
Placeholder
YOUCEF MERAHI
PUBLIÉ 25-01-2023, 11:00
Les rues étouffent de tant de voitures bruyantes et pressées ; les trottoirs sont bondés de gens qui, d’un pas lent ou diligent, semblent supporter toute la misère du monde. C’est mon regard du moment ; parce que mon moral est dans les chaussettes. C’est l’image utilisée fréquemment pour préciser que les jours, parfois, sont anxiogènes. En fait, c’est ainsi pour tous ; nul n’a le privilège de la tristesse qui, parfois, est lourde de conséquence. Il est vrai qu’en des moments pareils, l’être social s’imagine être le seul sur terre à connaître ce bouleversement. Alors qu’en fait, il n’en est rien ; sinon par le fait d’une imagination qui échappe souvent à tout contrôle. «Après la pluie, le beau temps», disent les plus optimistes d’entre nous. C’est un peu la noria des jours sans et des jours avec. L’homme s’est cru obligé de marquer par des mots diverses situations du quotidien.
C’est avec ce regard grave que j’ai entamé ma flânerie, aujourd’hui. C’est un jour de semaine comme un autre. Je suis arrivé à un temps «t» où rien ne distingue la journée d’une autre ; nous les affublons d’un nom, juste pour compartimenter le temps. Juste pour casser une certaine monotonie. Juste pour imprimer une cadence aux jours qui défilent. Je ne suis pas loin du marché couvert. Je prends la décision de m’y rendre. Ça me fera passer ces heures qui, parfois, font dans le défi. La rue adjacente est bondée. A peine s’il ne fallait pas jouer des coudes. J’aperçois de la belle tomate ; sa couleur scintille sous l’effet d’un soleil généreux pour un mois de janvier. Je m’avance et fixe ce légume qui, curieusement, semble me repousser. «Ce n’est pas pour toi que je suis là. Je suis trop chère pour toi. Va voir ailleurs si j’y suis.» En demandant le prix au commerçant, j’ai eu un mouvement de recul, en effet. C’est vrai, je vais aller voir ailleurs. Il faut être riche pour s’offrir un kilo de tomate, aujourd’hui. Je peux jouer au riche ; mais comme dans la chanson, « il ne faut pas jouer au riche quand on n’a pas le sou». Soudain, une liste s’affiche dans mon cerveau. Une voix off me susurre à l’oreille : «Il y a autre chose à acheter ; laisse tomber cet ingrédient. Pense aux autres légumes.» Et dans ma tête résonne ce slogan publicitaire du câble : «Il faut manger cinq fruits et légumes par jour.» Je n’ai jamais compris cette publicité. Puis, je ne vois pas cinq fruits et légumes dans mon marché. De toute façon, mon couffin repartira vide d’ici. A moins d’opter pour la sardine. J’en vois de la belle «bleue». Une friture de sardine ferait l’affaire, me semble-t-il. Les marchands de sardine rivalisent de leur appel en direction du chaland. Comment font-ils pour ne pas se taper une migraine du diable, dis-je tout bas. Je m’approche courageusement. Les sardines, arrosées à profusion, scintillent sous l’effet d’un soleil généreux d’un janvier estival. Mon couffin vide pendouillant comme une pendule à l’extrémité de mes doigts, je demande le prix. Quelle audace ai-je eu ? Mille dinars le kilo, mille, pas plus. Comme dans un cauchemar, je m’entends dire : «Passe ton chemin, ce n’est pas pour toi, tu n’es pas assez riche. Rentre chez toi, malheureux. Accroche ton couffin au clou de ta misère. Et, surtout, scrute le 20 du mois, ta pension ne saurait tarder. Laisse les nantis faire leurs emplettes. Rentre chez toi, te dis-je.» Je quitte cet endroit, les oreilles pleines de ce cri (appel !) : «Sardine, sardine ! La bleue, la bleeeuuue !»
Je continue mon petit circuit dans une ville pleine à craquer. Le soleil est printanier. Dire qu’on est en janvier me paraît hasardeux tellement le soleil règne en maître. Je vois des groupes se dorer sous cette lumière ineffable. Je vois des jeunes légèrement vêtus ; alors que j’ai sur le dos une parka made in bladi. La grippe n’attend que le bon moment pour attaquer les imprudents. Les voitures sont les maîtres du moment. Il faut, surtout, faire gaffe en traversant ; un conducteur mal luné pourrait confondre vos godasses avec le bitume. Ça passe à hue et à dia. Au diable les convenances sociales ! Une purée de nous autres.
Je m’arrête chez Omar. Je retrouve ce milieu des livres. J’ai toujours pensé que le livre est le compagnon idéal ; car les écrivains, une fois leur œuvre soumise au lecteur, sont subitement silencieux. Ils offrent des textes à des mains hâtives et des yeux gourmands. Ils laissent place à un cri silencieux ; il suffit de bien le chercher en déroulant le fil de l’écrit. En fait, le lecteur est face à soi-même le temps que dure la lecture. L’écrivain s’efface presque. En tout état de cause, il n’intervient pas lors de ces rencontres studieuses. Comme un professeur, il n’impose aucune restriction au lecteur, qui, libre de son choix et de la manière dont il pénètre le texte, structure un échange au demeurant fécond. Il y a toujours un retour sur investissement.
Le livre est un professeur en retrait mais attentif. De la lecture, on ingurgite des leçons (grammaire, orthographe, style) sans s’en rendre compte. Il y a comme une révision que le lecteur enchaîne au fil des pages, se rappelant « comme ça » telle règle et autres tournures. Sinon, si le mot utilisé échappe à la perspicacité du lecteur, il y a le dictionnaire, maintenant Google devient la référence, pour offrir la définition et le synonyme. Et dans cette auguste librairie, j’entends comme un brouhaha, comme si les écrivains, dont les livres sont étalés sur ces présentoirs, étaient en conclave ; et qu’ils se parlent, encore et encore, à travers les siècles. J’ai cette drôle de sensation, je ne sais pas pourquoi.
Je quitte cet espace de liberté, d’imagination et de tolérance. Il est l’heure de remonter vers ma houma (chez moi, si vous voulez). Remonter est le verbe adéquat, car du fond de la cuvette tizi-ouzienne, je dois choisir la côte à moindre pente pour arriver chez moi. N’importe qui vous dira qu’il faut opter pour Trig Ech’djour (la route des arbres, autrement dit). Je n’ai pas en tête le toponyme actuel. Je promets de jeter un coup d’œil sur la plaque signalétique. En tout cas, il est de tradition populaire de l’appeler communément «Trig Ech’djour». C’est joli, non ? Je ne peux pas démentir le génie populaire ; puis, il aurait été plus commode de l’appeler par ce toponyme. Je grimpe la montée sans trop haleter. Le collège Mouloud-Feraoun me tend les bras ; je laisse à ma gauche le lycée Fatma-N’Soumer (ex-lycée Amirouche où j’ai fait une partie de mon secondaire), pour ensuite faire tout le boulevard Nouri-Mustapha (ex-boulevard du Nord). Je fais le guide touristique sans le vouloir ; au fait, c’est une mémoire despotique qui m’oblige souvent à fouler certaines anciennes traces. Je ne sais plus qui a dit qu’on ne guérissait pas tout à fait de son passé. C’est mon cas, aujourd’hui. Ça ne sert pas à grand-chose, je le sais ; c’est un peu comme la poésie, on remâche toujours le même chewing-gum. Bref, ma flânerie de ce jour a pris une autre tournure. Ma mémoire a pris le pas sur l’effort physique. Mais, que c’est bon (jouissif ?) de se rappeler de certains moments d’hier !
J’ai pris de Keltoum Staali (in Talisman, éd. Alba, 2005) cette citation : «Ecrire un pays qui n’existe pas vraiment mais qui s’invente au fil des textes. Pour l’atteindre, il faut parler plusieurs langues ou une seule mais alors, inconnue…»
Y. M.

Placeholder
YOUCEF MERAHI
PUBLIÉ 25-01-2023, 11:00
"Un vrai talent d'écrivain"

Merci Youcef Merahi j'ai bien ri!.
Pour ajouter un commentaire, vous devez être membre de notre site !

Identifiez-vous :


Ou Inscrivez-vous gratuitement !

Dernières brèves

Articles similaires