De mémoire de Bônois, on avait rarement vu cela. Un nombre incalculable de véhicules immatriculés en Tunisie le long de nos plages. Vous ne rêvez pas. Vous n’êtes pas à Tunis, Sousse ou Djerba mais bien dans la quatrième ville d’Algérie. Ils viennent pour passer des vacances, loin des problèmes que notre voisin connaît depuis la fameuse « Révolution du Jasmin ». Décryptage.
Plage Rizzi-Amor (ex-Chapuis). Une famille venue de Bizerte profite du soleil du début de l’été en bord de mer. Amor, cadre dans une société privée, semble savourer ses quelques jours de vacances à Annaba. « J’aime beaucoup venir ici, raconte-t-il. C’est la deuxième année que nous jetons notre dévolu pour Annaba. Il y règne une certaine sécurité que nous avons perdue dans notre pays ». Ce mot « sécurité » revient régulièrement à la bouche des estivants tunisiens, dont beaucoup seraient nostalgiques d’une époque révolue. Pour preuve, ce couple rencontré sur le Cours de la Révolution. Il s’appelle Fadhel, il a 33 ans et est informaticien. Elle s’appelle Hajer, elle a 28 ans et est commerciale. Les deux résident dans la banlieue tunisoise. « A défaut d’obtenir un visa pour l’Europe, explique Fadhel, à défaut de passer des vacances en Libye ou en Egypte pour les raisons que vous savez, nous préférons l’Algérie ». Hajer est, elle, plus explicite encore : « Il faut dire que l’Algérie est plutôt expérimentée par rapport à son passé. Les Algériens savent à quoi s’en tenir maintenant. Je fais pleinement confiance à nos frères et sœurs qui nous réservent à chaque fois un accueil digne de ce nom. Je reste à la fois pessimiste et optimiste pour mon pays. Pessimiste, parce qu’il va falloir du temps pour que la situation s’améliore et nous devons nous attendre à faire face à des tensions d’une extrême gravité.
POLITIQUE TOURISTIQUE MAGHRÉBINE
L’insécurité règne en pleine Tunis et en plein jour. Vous comprendrez bien que je me sente à l’aise, particulièrement ici à Annaba, qui n’est pas loin de chez nous. Cependant, je reste optimiste, parce que, chaque jour que Dieu fait, je sais que nous ne serons pas abandonnés. Et là aussi, je sais que nous pourrons compter sur la solidarité de nos frères et sœurs algériens ». Selon l’Office National du Tourisme, les Tunisiens auraient été environ 150000 à avoir visité notre pays l’année dernière. Un chiffre qui a de fortes chances de doubler cette année, particulièrement pour la région est et surtout Annaba. Certains hôtels de la Coquette cherchent d’ailleurs, à fidéliser une clientèle tunisienne. « J’apprécie beaucoup les Tunisiens, nous explique ce réceptionniste d’un hôtel situé non loin du centre-ville. Ils sont pratiquement comme nous. Ils vivent comme nous, d’autant que nous partageons la langue et la religion. Donc, pour moi, il n’y a aucun problème à ce que l’Algérie attire davantage de touristes tunisiens ». Attirer des touristes tunisiens relève, pour ce cadre du ministère du Tourisme, d’une priorité à ne pas négliger. Ce dernier, explique, sous couvert de l’anonymat, que « le potentiel de touristes tunisiens en Algérie est à exploiter. Pourquoi ne pas mettre en place une politique touristique maghrébine ? Cependant, je doute que nos responsables y pensent sérieusement. Et je ne vous cache pas que tant qu’il y aura du pétrole en Algérie, le tourisme constituera toujours la cinquième roue du carrosse ».
HAVRE DE PAIX
Certains ressortissants tunisiens de passage à Annaba ont, cependant dû faire face à certains problèmes. Ainsi, nous raconte Hichem, originaire de Jendouba, « mon épouse et moi-même avons eu droit à des insultes de la part de jeunes voyous, à l’entrée de la ville, au niveau du rond-point de Sidi-Brahim. Un policier présent sur les lieux nous a déconseillé de parler de révolution sans pour autant prendre notre défense ». Son épouse Baya, pourtant voilée, ne comprend pas le comportement de ces jeunes : « Pourquoi nous insultent-ils ? Pourquoi croient-ils que nous voulons importer en Algérie les problèmes de notre pays ? Nous savons ce que vous avez vécu dans les années 90 et pour rien au monde je ne souhaiterais que ça se reproduise chez vous. C’est dommage, je pensais trouver un havre de paix en Algérie, et particulièrement ici à Annaba, qu’on appelle la Coquette. Elle reste malgré tout une belle ville ». Sur la Corniche, en soirée, le nombre de véhicules tunisiens et quasiment incalculable. A ce moment de la journée, Annaba prend des airs de Sidi-Bou-Saïd, même si, en plein jour, les ruines d’Hippone restent encore loin de rivaliser avec celles de Carthage. Même la culture musicale algérienne semble être délectée par ce groupe de jeunes tunisiens originaires du Kef : dans leur autoradio, un fond musical de… Kamel el Guelmi ! « Nous sommes fans de l’Algérie, nous sommes fans de Annaba. En plus ce n’est pas loin de chez nous. Nous ne sommes dépaysés. El hamdoulillah, nous comptons bien revenir ici régulièrement. D’ailleurs, nous avons même accroché un drapeau de l’Algérie dans notre véhicule. Nous sommes Tunisiens et Algériens, à la fois ».
Le Provencial - 29/06/2013 - Lakhdar Habib
Les Commentaires
il est inconcevable qu'on ne peut pas sortir avec sa femme ou avec sa soeur pour etre victime d'incivisme même de la part de personnes dépassant des fois les 50 ans
dommage pour cette belle ville
peut être l avenir est radieux et je l'espere , si l'etat serre l'étau sur ces voyous