La lionne morte de Zitouna ou le choc de l'insolite
par Amine Bouali
La découverte récente d'une lionne morte près du village de Zitouna, situé dans la commune d'El-Yachir, dans la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, a provoqué un énorme buzz, sur les réseaux sociaux. La présence du corps sans vie de cet animal sauvage, à cet endroit précis, a beaucoup intrigué et chacun y est allé de son point de vue. Un internaute a ainsi expliqué que «cette lionne a dû certainement s'échapper d'un zoo limitrophe. Pour ce qui concerne la cause de sa mort, il faut faire une autopsie suivie d'une enquête. Le plus proche parc zoologique du lieu où elle a été trouvée est celui de la ville de Jijel. La théorie qui tient le mieux la route est que cette lionne a été volée et est morte asphyxiée au moment du transport. Du coup, les voleurs ont décidé de s'en débarrasser. Ou bien un particulier, chez lui, l'a élevée bébé puis l'a empoisonnée et jetée car il ne pouvait plus continuer à la prendre en charge.»
Un autre internaute (qui semble s'y connaître en lions) a ajouté, un brin pédagogue, que «le dernier lion d'Algérie a été tué dans les années 1940. En plus des lions, il y avait dans notre pays des léopards, des ours, des autruches. Les lions d'Algérie avaient la particularité d'être très grands, avec une crinière qui descendait jusqu'au nombril. Il existe une expression en chaoui pour décrire quelque chose de couleur pâle ou délavée. On dit : «Pâle ou gris comme le lion du Sahara.» ÿþ(En chaoui : « Chamlam am wer nessahra.»)
Le lion a disparu dans l'Aurès, mais l'expression, elle, est restée et continue à être utilisée par des gens qui n'ont jamais vu de lions de leur vie ! Cette expression prouve qu'il y avait des lions dans au moins deux de nos régions (l'Aurès et le Sahara), et que le lion de l'Aurès avait une couleur plus foncée que celui du Sahara. Un zoo à Hanovre, en Allemagne, abrite aujourd'hui des lions si on peut dire de race algérienne.» Un internaute rigolo a suggéré, quant à lui, «qu'il s'agirait probablement d'un suicide car la lionne en question n'aurait pas obtenu son visa Shengen.»
Le cadavre de cet animal sauvage retrouvé dans un endroit où il n'aurait pas dû se trouver nous renvoie, par ailleurs, à l'intrusion éventuelle de l'inhabituel, de l'inexplicable et de l'insolite dans notre quotidien, et à l'étonnement, le ravissement ou la peur qui en découle obligatoirement. Ce que nous n'envisageons pas peut autant nous réjouir que nous inquiéter et il est pareil à ce grain de sable qui fait grincer la machine des épaisses évidences qui meublent majoritairement nos vies. Si on pousse l'analyse un peu plus loin, on peut de même considérer l'art (en général) comme une espèce de guet-apens derrière l'unanime apparence des choses ; un «guet-apens» qui nous bouscule, nous interpelle, nous émerveille ou nous incite à la réflexion. «Sous le familier, découvrez l'insolite. Sous le quotidien, décelez l'inexplicable. Puisse toute chose dite habituelle vous inquiéter » écrivait le grand dramaturge allemand Bertold Brecht.
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par Amine Bouali
La découverte récente d'une lionne morte près du village de Zitouna, situé dans la commune d'El-Yachir, dans la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, a provoqué un énorme buzz, sur les réseaux sociaux. La présence du corps sans vie de cet animal sauvage, à cet endroit précis, a beaucoup intrigué et chacun y est allé de son point de vue. Un internaute a ainsi expliqué que «cette lionne a dû certainement s'échapper d'un zoo limitrophe. Pour ce qui concerne la cause de sa mort, il faut faire une autopsie suivie d'une enquête. Le plus proche parc zoologique du lieu où elle a été trouvée est celui de la ville de Jijel. La théorie qui tient le mieux la route est que cette lionne a été volée et est morte asphyxiée au moment du transport. Du coup, les voleurs ont décidé de s'en débarrasser. Ou bien un particulier, chez lui, l'a élevée bébé puis l'a empoisonnée et jetée car il ne pouvait plus continuer à la prendre en charge.»
Un autre internaute (qui semble s'y connaître en lions) a ajouté, un brin pédagogue, que «le dernier lion d'Algérie a été tué dans les années 1940. En plus des lions, il y avait dans notre pays des léopards, des ours, des autruches. Les lions d'Algérie avaient la particularité d'être très grands, avec une crinière qui descendait jusqu'au nombril. Il existe une expression en chaoui pour décrire quelque chose de couleur pâle ou délavée. On dit : «Pâle ou gris comme le lion du Sahara.» ÿþ(En chaoui : « Chamlam am wer nessahra.»)
Le lion a disparu dans l'Aurès, mais l'expression, elle, est restée et continue à être utilisée par des gens qui n'ont jamais vu de lions de leur vie ! Cette expression prouve qu'il y avait des lions dans au moins deux de nos régions (l'Aurès et le Sahara), et que le lion de l'Aurès avait une couleur plus foncée que celui du Sahara. Un zoo à Hanovre, en Allemagne, abrite aujourd'hui des lions si on peut dire de race algérienne.» Un internaute rigolo a suggéré, quant à lui, «qu'il s'agirait probablement d'un suicide car la lionne en question n'aurait pas obtenu son visa Shengen.»
Le cadavre de cet animal sauvage retrouvé dans un endroit où il n'aurait pas dû se trouver nous renvoie, par ailleurs, à l'intrusion éventuelle de l'inhabituel, de l'inexplicable et de l'insolite dans notre quotidien, et à l'étonnement, le ravissement ou la peur qui en découle obligatoirement. Ce que nous n'envisageons pas peut autant nous réjouir que nous inquiéter et il est pareil à ce grain de sable qui fait grincer la machine des épaisses évidences qui meublent majoritairement nos vies. Si on pousse l'analyse un peu plus loin, on peut de même considérer l'art (en général) comme une espèce de guet-apens derrière l'unanime apparence des choses ; un «guet-apens» qui nous bouscule, nous interpelle, nous émerveille ou nous incite à la réflexion. «Sous le familier, découvrez l'insolite. Sous le quotidien, décelez l'inexplicable. Puisse toute chose dite habituelle vous inquiéter » écrivait le grand dramaturge allemand Bertold Brecht.